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14 mai 2010 5 14 /05 /mai /2010 11:10

 

Philo

La fin du courage   

Cynthia Fleury 

 Fayard, 2010.

 


 

Aristote, (…) aime à distinguer le vrai courage du faux courage. De même qu’il y a des peurs justifiées, il y a des courages indignes, des courages qui sont des insouciances ou des intempérances "(1). 

 

 

On sait si l’on a plié devant le petit abus ou si l’on s’est adapté pour mieux contrer plus tard. Les stratégies d’adaptation sont inévitables et signe de maturité, mais elles sont aussi, hélas, le plus sûr chemin vers l’acceptation et la légitimation de l’inacceptable. L’adaptation des uns, fait le lit de l’abus des autres "(2).

  

 La fin du courage

Cynthia Fleury, avec " La fin du courage " signe un très bel essai, dont le titre contredit le propos. Atypique vertu que le courage dans nos époques ou dominent les idéologies de la réussite, et lorsque les sempiternels discours publics de la rupture et du parler vrai ne sont que de parfaites mise en scène signant le cynisme de la contre-exemplarité politique.

 

Ainsi est-ce sans doute une idée saugrenue qu’un tel livre, en de tels temps où l’individualisme exacerbé semble être reconnu comme valeur suprême ; lorsque chaque individu se trouve ravalé à un simple objet d’échange par un capitalisme débridé ; lorsque l’utilitaire et le contractuel règnent en maître sur nos consciences aliénées au consumérisme ; et lorsque enfin, comme autant de monades livrées à de vaines quêtes narcissiques, on s’abandonne au futile, ainsi qu’à nos petites lâchetés quotidiennes. Pour cela, et pour bien d’autres raisons encore que l’on pressent sourdement, ce livre est d’autan plus nécessaire.

L’instant propice !..

 

Le courage est sans victoire ; le courage est l’incarnation de l’anti-culture du résultat. Avec le courage, il n’y a pas de capitalisation possible : avoir été courageux un jour ne dispense pas de l’être demain… La réussite n’est pas la marque du courage, et l’on est pas courageux parce qu’on a réussit, mais on réussit parce qu’on a du courage… Avec le courage, il n’y a pas de résultats. L’échec n’est pas la défaite ; voire parfois l’échec signe le courage. D’ailleurs le seul échec véritable, les seules défaites avérées, se sont ces petites lâchetés qui s’en sont venues, peu à peu, corroder nos caractères ; celles là même qui nous empêchent de dépasser nos peurs ; et qui nous font refuser d’affronter ce rendez-vous avec soi-même…

 

Ce manque d’entraînement au courage, voila dont traite l’ouvrage de Cynthia Fleury.

Etre courageux malgré tout : Voilà la leçon salvatrice…

 

Cynthia Fleury

 

 

Sur la lecture proprement dite, sans doute que l’ouvrage n’est pas d’un accès aussi aisé que " Les pathologies de la démocratie ", du moins pour tous ceux qui comme moi, ne sont pas familiarisés avec la langue philosophique. Mais il convient de persévérer. De le lire lentement, de le relire et de le méditer… Ce livre est à sa manière un sanctuaire : le réceptacle de l’une de ces vertus à l’ancienne ; indémodable. Une invite l’enracinement dans des valeurs éternelles sur lesquelles on peut compter pour l’édification de soi-même. Aussi, laisser ces pages d’un optimisme raisonné se distiller dans nos veines est le plus doux des remèdes… Vivifiante liqueur, apte à congédier cet affreux sentiment d’invisibilité sociale étreignant le quidam pris dans les rais de ce monde de la standardisation et de l’interchangeabilité ; propre à repousser aussi le morne ennui d’une existence " à-côté " ; indispensable pour balayer enfin la facticité des fausses valeurs " modernes ".

 

 

 

La pratique de l’amitié et celle du courage ont ceci en commun qu’elles sont toutes deux vertueuses, et qu’on ne laisse pas un vertu inactive. (…) C’est parce que le sage n’a pas besoin d’amis qu’il goûte pleinement la nature de l’amitié, en son désintéressement même "(3).

 

 

Un mot enfin sur l’organisation de cet essai, d’une écriture dense et incisive, où les citations se fondent merveilleusement et sans coutures dans le fil du récit. Il s’articule en deux parties. La première traite de la morale du courage ; de la vertu privée. " Il n’y a d’éthique du courage que seul, il n’y a d’éthique du courage que collectif ", dit Cynthia Fleury. Aussi le second volet de ce magnifique essai abordera la politique du courage ; vertu publique s’il en est.

 

 

La parrêsia (le dire vrai) n’est pas affaire de communication (…). Elle prends le risque de déplaire (et non pas de plaire en déplaisant ou en provoquant, voie classique de la communication polémique, à tendance blasphématoire et populiste) "(4).

 


(1) Cynthia Fleury, La fin du courage, Fayard. 2010, page 18.

(2) Ibid page 20.

(3) Ibid pages 68,69.

(4) Ibid page 148.


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