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4 décembre 2010 6 04 /12 /décembre /2010 10:16

Titre philoPlaisirs cyrénaïques 

André Laks

Tiré du recueil :

"Hédonismes. Penser et dire le plaisir dans l'antiquité et à la Renaissance".

 Laurence Boulègue - Carlos Lévy.

 Ed. Septentrion

 

 

Tiré du recueil " Hédonismes. Penser et dire le plaisir dans l’Antiquité et à la Renaissance " par Carlos Lévy & Laurence Boulègue.


  

 

http://www.andre-laks.placita.org/

 

En introduction, quelques repères biographiques.

 

Fondateurs de l'école dite du Cyrénaïsme :

Aristippe l’ancien (né vers 430 av JC et mort en 356) ; ou Aristippe de Cyrène, fondateur en 399 av. J.-C. de l'école. Il fut le disciple de Socrate.

Aristippe le jeune (ou le Matrodidacte ) son petit fils fut un autre dirigeant de l’école. Il est né vers 380 et mort aux alentours 300 Av JC.

 

Cyrenaiques.JPG

 


 

Notes de lecture

De petites fiches de lectures sans prétention ; mais utiles pour se remémorer les grandes lignes d’un ouvrage. Recopie de passages et synthèse tout à fait subjective.  


 

Le problème      

" Les témoignages anciens ne laissent aucun doute sur le fait que la théorie du plaisir d’Epicure rencontra sur son chemin celle des Cyrénaïques, avec laquelle elle partagea l’idée que le plaisir est la fin de nos actions .  

On ne manque pas de témoignages anciens situant la doctrine des Cyrénaïques à l’origine de la théorie morale d’Épicure, qui en aurait adopté le principe (le plaisir est la fin de nos actions), tout en récusant la conception du plaisir qui en était le corrélat : du plaisir en mouvement (cinétique), cyrénaïque, Epicure distingue un plaisir en repos (catastématique), qui lui est propre. Cette différence éloigne considérablement l’hédonisme d’Epicure de celui des cyrénaïques. 

 

AristippeOrthodoxes et dissidents    

Il est raisonnable d’admettre que la doctrine cyrénaïque proprement dite est le fait d’Aristippe le Jeune. […] Eusèbe prête à Aristippe l’Ancien de n’avoir dit qu’ " en puissance " ce que son petit-fils devait effectivement dire.

Diogène Laërce (D.L) : Ils posaient au fondement deux affections, souffrance et plaisir, dont l’une est un mouvement lisse, à savoir le plaisir, et l’autre, la souffrance, un mouvement rugueux. […] Ce plaisir est celui du corps, qui est aussi la fin […] Ils nient que le plaisir catastématique (…) soit la fin. Ils sont outre d’avis que la fin diffère du bonheur. […] La suppression de la douleur, dont parle Epicure, à leur avis n’est pas un plaisir, ni l’absence de plaisir une douleur […] Et ils disent que même le plaisir, certains peuvent ne pas le choisir, par dépravation.[…] Ils nient aussi que le plaisir se produise par la remémoration des biens ou par leur attente. […] Et ils appelaient l’absence de plaisir et l’absence de souffrance des états intermédiaires. Cependant, les plaisirs du corps sont bien meilleurs que ceux de l’âme et les maux du corps bien pires. "

 

Bonheur et plaisir : la possibilité d’Hégésias 

 Les cyrénaïques opéraient une distinction tranchée entre le plaisir et le bonheur. Définissant le bonheur comme " l’ensemble constitué des plaisirs particuliers ". […] Seul le plaisir particulier, étant recherché pour lui-même, peut être à proprement parler qualifié de fin.

L'identification du bonheur au plaisir, tel qu'il est défini par les cyrénaïques, se heurterait à deux difficultés :

  1. 1) Comment un processus comme le plaisir, condamné qu’il est à s’interrompre, pourrait-il être identifié au bonheur, s’il est vrai que le bonheur s’inscrive dans la durée (et qui plus est, d’une vie entière) ?  
  2.  

  3. 2) Faire du bonheur une fin ultime ne revient-il pas à confondre une fin de second ordre avec des fins de premier ordre que sont les buts immédiats qui conduisent nos actions ?
  4. 

 La dissociation entre bonheur (eudaimonia) et fin (telos) semble de nature à prévenir ces objections.

La confrontation avec Epicure est intéressante, puisque Epicure ne maintient l’identité du plaisir et du bonheur (lettre à Ménécée) qu’au prix d’une restructuration radicale du concept de " plaisir " comme plaisir catastématique, qui lui permet de perdurer à travers le temps.

 

La position cyrénaïque implique une déclassement de l’eudaimonia strictoCyrénaique sensus, les Cyrénaïques ne sont pas des eudémonistes.

Comme le laisse entrevoir la distinction entre la fin (limitée dans le temps) et le bonheur (coextensif à l’ensemble de la vie), la question du temps et de son contrôle a dû jouer un rôle central dans la philosophie cyrénaïque.

Les Cyrénaïques avaient développé l’idée d’une " gestion " ou d’une " administration " des plaisirs (oikonomia).

La doctrine originelle, partant de la définition du bonheur comme " accumulation de plaisirs particuliers ", avait insisté sur l’incertitude de l’issue, allant jusqu’à affirmer que " l’accumulation des plaisirs (est) la chose la plus pénible, quand elle ne produit pas le bonheur ". Or les Hégésiaques étaient de toute évidence allés plus loin, en niant la possibilité effective de parvenir au bonheur, en raison de la quantité de misères qui emplissent le corps et l’âme, et des obstacles que la fortune oppose à la réalisation de nos plans. Cette radicalisation était chez eux liée à un égoïsme fondamental et au refus de reconnaître le statut de plaisirs aux mouvements qui nous portent apparemment sans profit vers autrui – reconnaissance, amitié, bienfaisance. […] Hégésias avait tiré argument de l’accablement auquel la vie humaine est exposée pour soutenir que le sage cherche moins à accumuler les biens qu’à éviter les maux. Par rapport à la position des " fidèles " et au telos positif d’Aristippe, le " plaisir " que l’on associe volontiers à la philosophie cyrénaïque, la divergence est nette.

La doctrine annicérienne, a défendu, contre les Hégésiaques, la possibilité du bonheur. […] Le refus du pessimisme hégésiaque s’appuie chez Annicéris sur une critique de leur utilitarisme, qui, déniant l’existence de sentiments altruistes, se privait en même temps des seuls moyens dont dispose l’homme pour s’assurer du bonheur….

Annicéris : il y a des plaisirs psychiques en nombre suffisant pour compenser ce que la vie comporte de malheurs inévitables. Il devait sur ce terrain rencontrer la doctrine épicurienne, qui accorde aussi une grande place aux plaisirs psychiques.    

   

La doctrine des plaisirs psychiques    

" Corporel " et " psychique ", dans les formules " plaisirs corporels " et " plaisirs psychiques ", se ne rapportent pas à l’organe ou au centre de perception, mais à ce qui, dans le sujet percevant, en est la source. Autrement dit, l’âme est tous les cas une instance de la perception ; " corporel " et " psychique " qualifient quant à eux un certain type de plaisir. Il faut donc distinguer entre deux fonctions de l’âme, selon qu’elle ressent le plaisir, en tant que faculté sensorielle, ou qu’elle en est la source.

 

Le renouvellement annicérien     

Clément, Stromates : " Quant à ceux de la succession cyrénaïque qu’on appelle les Annicériens, ils n’assignaient aucun but à l’ensemble de la vie, mais ils disaient qu’il existe un but propre à chaque action, le plaisir qui résulte de l’action. Ces Cyrénaïques récusent la limite du plaisir d’Epicure, à savoir la suppression de la douleur, en l’appelant l’état d’un cadavre ".

Nous savons par Diogène Laërce qu’Annicéris s’était intéressé aux " activités " humaines capables de contrebalancer les souffrances, telles que l’amitié, la reconnaissance, la piété familiale et l’engagement pour la patrie. […] On pourrait aussi se demander si soutenir que la vie n’a pas de fin déterminée n’a pas une portée plus radicale, à savoir explicitement anti-téléologique, que la simple négation du statut de " fin " du bonheur.

Les cyrénaïques opposaient, au plaisir catastématique d’Epicure, le " vrai " plaisir du corps, à savoir son mouvement.

Ce contre quoi les Annicériens semblent avoir essentiellement réagi, c’est contre l’interprétation d’Hégésias, en particulier la définition négative de la fin, le déclassement corrélatif du plaisir, et la négation possible du bonheur. […]Cette double opposition, sur la question d’autrui et sur celle de notre bonheur, est suffisamment tranchée pour qu’Hégésias et Annicéris apparaissent comme deux pôles d’une antithèse fondamentale.

Annicéris doit avoir été, pour des raisons strictement chronologiques, à l’origine de la confrontation avec Epicure. Mais il n’a pas nécessairement introduit les plaisirs psychiques dans une doctrine dont ils étaient primitivement absents ; il a tout au plus réorganisé le fond doctrinal ancien en fonction de la position épicurienne, qui s’était construite contre lui. […] La mise en parallèle de deux doctrines cyrénaïque et épicurienne, paraît être l’effet d’une construction doxographique reprenant systématiquement les thèses existantes pour les opposer dans leurs résultats (rien n’interdit de supposer qu’Annicéris soit lui-même à l’origine de la confrontation).    

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