.Ci-dessus : John Ellis
Dans le glossaire de son Discours sur l’origine de l’univers à l’entrée ‘Boson de Higgs’ Etienne Klein indique : « Particule, non encore découverte, dont l’existence permettrait d’expliquer comment les particules ont acquis leur masse. Le boson de Higgs pourrait être détecté grâce au LHC, le puissant collisionneur de protons qui a été mis en service au CERN au début de l’année 2010. »
Or voilà que les scientifiques du CERN viennent précisément d’annoncer la découverte cette particule, et cela avec une marge d’erreur infinitésimale. Déjà certains n’hésitent pas à claironner avoir mis la main sur le chaînon manquant expliquant les tout premiers instants de l’univers.
Mais quels sont les enjeux d’une telle découverte ?
Voici les explications d’Etienne Klein :
« La masse des objets matériels qui nous entourent semble leur être consubstantiellement liée : nous éprouvons la même peine à nous figurer ce que pourrait bien être un corps matériel sans masse qu’à imaginer une masse pure qui ne s’incarnerait pas dans un corps. Comme si en notre esprit les notions de matière et de masse allaient toujours de pair, participaient l’une comme l’autre de la même idée de ‘substance’ (…)
Mais il faut se méfier de ce type de raisonnement, rapide, abrupt, car depuis Galilée, la physique n’a cessé de plaider pour que les idées les plus incontestables en apparence soient systématiquement interrogées, critiquées, testées. (…) Des renversements conceptuels sont toujours possibles, d’autant que certains argonautes de l’esprit ont envisagés que la masse, au lieu d’être une propriété des particules élémentaires, une caractéristiques qu’elles porteraient en elles-mêmes, pourrait n’être qu’une propriété secondaire et indirecte des particules, résultant de leur interaction avec… le vide quantique ! (…)
D’où leur est venue pareille idée ? Pour traiter les interactions, le modèle standard de la physique des particules s’appuie sur un certain nombre de principes de symétrie, fort efficaces et forts élégants, mais qui posent un problème irritant : ils impliquent que toutes les particules élémentaires doivent avoir… une masse nulle ! (…)
Du fait de cette contradiction flagrante entre la théorie et l’expérience, le modèle standard mériterait-il qu’on le jette immédiatement aux oubliettes ? Non, ont expliqués trois physiciens dans les années 1960, qui ont fini par convaincre leurs collègues : François Englert, Robert Brout et Peter Higgs. Leur idée est que les particules élémentaires de l’univers sont en réalité sans masse, mais heurtent sans cesse des ‘boson de Higgs’, présents dans tout l’espace, ce qui ralentit leurs mouvements de la même façon que s’ils avaient une masse ».
Et Etienne Klein d’expliquer ensuite que grâce au fameux LHC, capable de mobiliser des niveaux d’énergie jamais atteint, si boson de Higgs il y a, la machine du CERN le détectera immanquablement. Ce qui semble venir de se produire !
Il ajoute : « Si elle est confirmée par l’expérience, cette compréhension de l’origine de la masse modifiera complètement notre façon de penser ladite masse : ce ne sera plus une propriété primitive des particules, mais une propriété secondaire, dont l’explication s’appuiera sur l’invocation d’une entité physique, certes d’apparences très abstraite mais en réalité parfaitement immanente : le champ de Higgs ».
Ces passages sont empruntés au passionnant Discours sur l’origine de l’univers d’Etienne Klein (p 137 à 139), Flammarion 2010.
A noter que ce passionné d’anagrammes sera demain l’invité des Matins de France Culture. (Ses étudiants lui ont trouvé un anagramme qui, selon ses propres dires, lui convient plutôt bien : Nein Kein télé… )
Autres billets de ce blog où il est question d’Etienne Klein :
Des neutrinos supraluminiques aux berlusconettes
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