Pensée du matin à méditer. Elle me vient de l’indispensable et éclairant ouvrage de Daniel Dubuisson : « Mythologies du XXe siècle. Dumézil, Lévi-Strauss, Eliade ». L’extrait repris ci-dessous est tiré de la partie consacrée à Mircea Eliade, dans un chapitre intitulé : « Métaphysique et politique : Eliade et Heidegger » .
« Avec bel ensemble, de Platon à Heidegger et Eliade, les penseurs de l’Etre se sont toujours rangés aux cotés des régimes totalitaires (de l’oligarchie spartiate au Reich nazi). Au contraire, la plupart des penseurs rationalistes et matérialistes, de Démocrite à Russel, ont été des partisans de la démocratie, simplement peut-être parce que le rationalisme et le matérialisme supposent que l’on accepte le double principe du progrès et de la relativité » (P 264).
Un peu plus bas dans la même page :
Sans doute Eliade préférait-il à la générosité du philosophe d’Abdère (« La pauvreté en régime démocratique est aussi préférable au prétendu bonheur en régime tyrannique que la liberté l’est à la servitude »[1]), la morgue d’un néoplatonicien, celle de l’auteur des Ennéades par exemple :
« [Le sage] comprend qu’il y a deux genres de vies, celle des sages et celle du vulgaire ; celle du sage est dirigée vers les sommets ; celle du vulgaire, celle des hommes de la terre, est elle-même de deux espèces ; l’une a encore un souvenir de la vertu, et elle a quelque part au bien ; mais la foule méprisable n’est qu’une masse de travailleurs manuels destinés à produire les objets nécessaires à la vie des gens vertueux ». (Plotin)
[1] Stobée, Florilège IV,1, cité et traduit par Jean-paul Dumont, Les présocratiques, Gallimard, 1988, p 905.