Un délice de lecture, où l’érudition ne cède en rien à la fluidité du récit. Lucien Jerphagon, pour qui il n’y a " aucune raison d’emmerder un lecteur qui vous a rien fait ", au fil des rééditions de ce magistral ouvrage, nous en sommes à la quatrième, nous livre, pour notre plus grand bonheur, les clés de compréhension de douze siècles d’Histoire.
La nécessité de repères chronologiques est essentielle a qui ne veut pas " brasser que des idées générales ". C’est pourtant ce que l’on fait usuellement avec Rome, réduit à quelques poncifs. Et comme le dit fort justement, avec humour, l’auteur : " Imaginez ce qu’on racontera " des français " dans 20 siècles… On mêlera les troubadours, les chauffeurs-livreurs, les seigneurs féodaux, les poilus de 14-18, et tout ce monde évoluera dans un temps fait de toutes les époques superposées : celles de Jeanne d’Arc, de Charles de Gaulle, du bon roi Dagobert. "
Conjurons donc ce mauvais sort avec la première partie de ces notes de lectures (il y’en aura trois). Elles n’ont d’autre objectif que d’inciter à se plonger dans la lecture – ou relecture – de cette inaltérable " Histoire de la Rome antique ".
Fiches de lecture
De petites fiches de lectures sans prétention ; mais utiles pour se remémorer les grandes lignes d’un ouvrage. Recopie de passages et synthèse tout à fait subjective.
Lucien JERPHAGNON
Histoire de la Rome antique
(Tallendier, réédition 2002)
PARTIE II - De Auguste à Néron
PARTIE III - De Galba à la fin de l'Empire
Reprise en les idéalisant dans un esprit hellénistique, de vielles légendes mais aussi de mythes indo-européens se perdant dans la nuit des temps : Marcus Varron, fixa la fondation de Rome arbitrairement en -753 par Romulus et Remus.
Romulus et son frère Remus : demi-dieux (nés des amours de Rhéa Sylvia, fille du roi Numitor (régnait sur cité mythique dont le fondateur était Iule le fils d'Enée) et Mars en personne). Abandonnés dans un panier au Tibre par le frère de Numitor (usurpateur du trône). Le panier échoue au pied du Palatin (l'une des sept collines de Rome) et les frères sont recueillis et élevés par une louve.
Nb : Lupa = louve – Signifie aussi prostituée, d'où Lupanar.
Les jumeaux se disputent l'honneur de fonder leur ville. Romulus trace à la charrue le sillon sacré (rituel étrusque) qui délimitait l'enceinte. Remus, jaloux, saute par-dessus et se fait massacrer par son frère qui se débarrasse ainsi d'un concurrent gênant (le pouvoir ne se partage pas) et fonde Rome. Ensuite, afin de fournir à ses sujets les épouses qu'il leur fallait, il fait enlever les femmes de ses voisins Sabins. (enlèvement des Sabines).
4 rois. Le premier successeur de Romulus, Numa Pompilius est Sabin d'origine ; le second fut un Latin belliqueux ; le quatrième roi, Ancus Martius se vit créditer de la fondation du port de Rome.
En réalité, ce n'est que vers 600 - 500 Av JC que dut sortir de terre la Rome archaïque (non sur le Palatin lui-même, mais sur l'emplacement de ce qui deviendrait le Forum romain).
En 616 s'ouvre la période des roi Étrusques, en fait les vrais fondateurs de Rome : les bourgades disséminées sur sept collines se fédèrent pour se garantir une certaine sécurité.
Le septième roi de Rome, sera le dernier : Tarquin dit le superbe. Tyran Étrusques chassés de la ville -509. Fin de la monarchie et début de la Res Publica -> Grandes familles (Gens) : oligarchie - Patriciat (système de clientèle). Les citoyens de second choix forment la plèbe. Les familles qui composent la gens relèvent de l'autorité du pater familias.
494 : Tribun de la plèbe.
Exécutif : 2 Consuls (possibilité de 1 tyran mais pour durée maxi de 6 mois).
447 : 2 questeurs (secrétaires adjoints aux consuls : administrateurs des finances).
Préteurs
2 Censeurs : élus parmi les anciens consuls ; recruteurs du sénat.
Ps : Urbi et Orbi (dans la ville et au delà de la ville).
Le Sénat : " dépositaire sacré et source permanente de toute autorité ". " Rien ne se fait sans l'aval du sénat, qui fonctionne comme conseil d'état […] Non que le sénat dispose à proprement parler d'un pouvoir de décision. Il ne gouverne pas ; il ne légifère pas, mais entérine les lois. " (P37) Il délivre des Senatus Consultes.
Les Comices : assemblées du peuple. 3 niveaux ( Comices centuriates = peuple romain en arme rassemble les membre du corps social en 5 classes – Un corps intermédiaire (moindre notoriété économique) – Comices tributes = plébéiens).
Loi des XII tables : publiées vers 451 – 449 av JC ==) peuple romain jugé selon les même loi (pas égalitaire au sens ou on l'entend aujourd'hui).
- 390 : Rome dévastée par les gaulois. (Rome se souviendrait toujours de l'humiliation, et n'en mettrait que plus de soin à reculer ses frontières).
Fourches Caudines : Revers de l'armée Romaine (-304) face à un ancien allié (Samnite). Bloquée dans le lieu-dit, dont les gorges constituaient un piège, l'armée romaine dut capituler, et pire, défiler, consul en tête en se baissant sous une sorte de portique, figurant le joug du vainqueur.
Pyrrhus (roi d'Epire - Macédonien): victoire à la Pyrrhus (succès trop cher payé). " Encore une victoire comme ça et je suis fichu ! ". Il devait connaître une triste fin pour un militaire en – 275, se prenant une tuile sur la tête, jetée par une vieille, dans un combat de rue.
Tarente : Ville grecque (située dans le sud de l'Italie) qui fait appel à Pyrrhus en -281 pour combattre les romains (Carthage s'empresse d'aider Rome pour diminuer l'influence grecque). Elle tombe en -272 et en -265 Rome détient toute l'Italie.
(Pas d'art pas de philosophie – Socrate est mort depuis deux siècles alors que les romains sont encore aux cabanes).
Reste deux blocs : Carthage / Rome (Carthage fort sur mer, Rome fort sur terre).
- 265 à - 241 (23 ans) : première guerre punique.
(Carthage a été fondée par des navigateurs Tyriens peu avant Rome).
Origine de la guerre : Le détroit de Messine, lieu stratégique. Carthage le ferme en 264 pour s'assurer le monopole sur la Sicile toute entière (production céréalière importante) alors qu'ils n'étaient implantés que sur une partie de l'île (le reste étant détenu par les grecs et romains, nouvellement implantés).
- 260 Première victoire de Rome sur mer.
- 256 le consul Regulus tente l'aventure d'un débarquement en Afrique. Il est aidé par le retournement opportun des populations libyennes (les Numides), pas fâchés de se défaire de l'emprise punique. Mais l'expédition tourne au fiasco et Regulus est battu et fait prisonnier. Les Carthaginois l'envoyèrent à Rome – sous la promesse qu'il reviendrait en cas d'échec – pour négocier avec le sénat une paix qui n'avait rien d'avantageux. Mais en Romain responsable, dissuada ses collègues de traiter et trouva le sublime courage de s'en retourner à Carthage ou l'attendait une mort éprouvante (P 58).
On s'enlise de part et d'autre dans une guerre interminable. En – 249 Rome n'avait pratiquement plus de marine, et se trouvait à la merci de l'adversaire. Mais contre toute attente, les Carthaginois ne surent pas exploiter l'infériorité des Romains. De -247 à -241, les Romains harcelèrent le général punique Hamilcar Barca qui résistait efficacement. Finalement, grâce à l'appui des Syracusains, les Romains remportent une victoire décisive et les Carthaginois doivent céder la Sicile. (Rome en profitera pour annexer abusivement la Sardaigne et la Corse)
23 ans de paix (où chacun reconstitue ses forces : Rome n'est pas prêt d'oublier l'épisode Regulus, et Carthage ne digère pas davantage le Diktat imposé par Rome). Pour Carthage, la situation se révèle catastrophique. Ses finances lourdement obérées, ne lui permettent même plus de payer les arriérés de solde de ses mercenaires. Ils ne tardent pas à se révolter avec l'appui de la population. Bloquée par les insurgés, affamée, Carthage connut un moment de véritable angoisse. La situation contraignit Hamilcar à entreprendre contre ses mercenaires qui tourna bientôt à la guerre inexpiable. Profitant de la révolte des garnisons Sardes, les Romains occupèrent vivement la Sardaigne, puis la Corse, violant ainsi sans l'ombre d'un scrupule les termes du traité de paix de -241.
Général Carthaginois (punique) ; père de Hannibal.
Affaire de Sagonte, ville Espagnole alliée de Rome qui en – 219 est prise par Hannibal (violant ainsi les accord de – 226, trop content de rendre la pareille aux Romains).
- 218 l'armée d'Hannibal au printemps s'ébranle vers l'Italie. (80 000 hommes – et les fameux éléphants). Passant de l'Espagne au travers des Pyrénées, le Languedoc, la Provence et les Alpes. Il accumule les victoires).
- 217 le consul Flaminius se laisse surprendre en plein brouillard et les Romains perdent 15 000 hommes et leur chef.
- 216 perte par Rome de 40 000 hommes + 20 000 capturés sur 80 000 hommes engagés. Mais Hannibal ne pousse pas son avantage et s'installe dans le sud de la péninsule et Syracuse ainsi que Tarente passent entre ses mains. Le malheur voulut que Hannibal s'éternisa à Capoue (d'où l'expression " s'endormir dans les délices de Capoue ") permettant aux Romains de se refaire une santé.
- 212 Rome reprend peu a peu le dessus.
- 211 Reprise de Syracuse par Rome (Mort d'Archimède).
- 202 Carthage capitule sous le menace de Scipion (proconsul d'Espagne qui débarque en Afrique en -204 (il prendra le surnom de Scipion l'africain) et devient vassal de Rome. Carthage est saignée démographiquement et financièrement.
- 192/191 les armées de Rome forcent les Thermopyles (lieu du défilé de la célèbre bataille éponyme en - 480, ou seuls 300 Spartiates conduits par Léonidas et appuyés de 700 soldats de Thèbes tentèrent de retenir l'armée du roi perse Xerxès 1er (130 000 fantassins – 20 000 cavaliers et 1200 Trirèmes)
Fils d'Hamilcar. En exil après la victoire finale de Scipion l'africain et poursuivant sa lutte contre Rome en orient. Il finit par se suicider en -183 après la défaite d'Antiochos (son dernier allié, roi Eolien qui l'avait accueilli à sa cour) en -188.
Rome est désormais en position d'arbitre en Orient et en Occident.
Le roi Numide, fort de l'appui des Romains, construit son état au détriment des Carthaginois, déjà présurés par les exigences de Rome. Arriva ce qui devait arriver : exaspérés Carthage déclare la guerre aux Numides. Pour Rome, le prétexte de l'intervention était trouvé. Il fallait cette fois détruire Carthage.
-149 les Romains débarquent à Utique et menacent directement la métropole africaine. Réduits à merci, les habitants de Carthage eurent beau livrer leurs armes et 300 otages, cela ne suffit point. Les consuls n'exigeaient rien moins que l'évacuation complète de la ville, qui devait être rasée et reconstruite ailleurs. Rome contraignit ainsi Carthage à une résistance héroïque, qui ne dura pas moins de 3 ans. Au terme d'une semaine entière de combats dans les rues, de jour comme de nuit, la ville tomba en -146. Il ne devait pas rester pierre sur pierre. Une fois les habitants évacués afin d'être vendus comme esclaves, l'ensemble urbain fut entièrement détruit et – détail significatif -, l'emplacement même fut voué par les prêtres aux dieux infernaux : maudit serait celui qui oserait y revenir.
Rome n'aurait plus qu'à reconstruire, 25 ans plus tard, ce qu'elle avait si rituellement – et stupidement – ravagé.
Les lendemains de la conquête : la nouvelle société
Entre la base de la pyramide, la basse plèbe et son sommet, l’aristocratie sénatoriale, la distance était infiniment infinie, pour dire cela comme Pascal. La perception quasi viscérale des inégalités ne créait pas l’appel révolutionnaire au nivellement par le haut que connaissent les démocraties modernes. Le Romain du bas de l’échelle savait parfaitement que si les riches commandent, c’est parce qu’ils sont seuls en mesure de fournir et d’entretenir de leurs deniers l’équipement militaire indispensable au combattant d’élite dont la patrie toutes classes confondues a besoin. La perception des différences, pour humiliante qu’elle soit, n’engendrait pour ainsi dire pas, dans la société moderne, de tentation subversive. N’oublions jamais que l’ordre social est en ces temps tenu pour divin en son essence. C’est donc individuellement que chacun voit midi à sa porte. Chacun peut sans doute chercher à s’élever, mais c’est toujours avec l’aide plus ou moins intéressée de plus puissant que soi.
De quoi s’agit-il ? " Imaginons qu’en France, écrit Paul Veyne, la plupart des mairies, des écoles, voire des barrages hydro-electriques, soient dus à la munificence du capitalisme régional qui, en outre, offrirait aux travailleurs l’apéritif ou le cinéma ".
Le premier exemple qu’on cite est celui de Scipion l’Africain en 213. S’il se présente à quelque magistrature, notre notable se verra dans l’obligation d’arroser ses électeurs d’un banquet public. Les magnats organisent volontiers des fêtes, qui captivent utilement l’intérêt des foules (jeux de toutes sortes, combats de gladiateurs, etc.) A coté de ces prodigalités forcément exceptionnelles, il y a une institution moins spectaculaire, mais fort appréciable : la clientèle. Les gens qui vraiment comptent se font une obligation d’accueillir chaque matin de bonne heure la file des gens qui attendent devant leur porte le moment de présenter leurs salutations, en échange de quoi il leur est remis le sportule , autrement dit un panier repas pour la journée, que remplacera progressivement, par commodité, un pourboire équivalent. Ces assistés perpétuels y trouvent évidemment leur compte, mais le patron aussi. Ces braves gens auront tout intérêt à ce que dure la situation du patron. On le soutiendra donc de bien des manières : en votant pour lui, bien sûr, mais aussi en mettant à sa disposition les astuces d’un chacun en matière de propagande, voire sa force musculaire s’il en était besoin.
L’éveil à la pensée : la philosophia
Les romains n’avaient pas encore la moindre idée de la philosophie que Socrate était mort depuis deux siècles et demi ou presque. (…) Disons sommairement que de la réflexion de Socrate, mort en 399, deux grandes synthèses étaient nées : la pensée de Platon pour qui le monde visible procède d’une réalité idéale à laquelle l’âme humaine à accès parce qu’elle est de même nature – le système d’Aristote, pour qui le monde est en son fond esprit incarné dans la matière. (…) Aussi longtemps que durera la civilisation grecque des Cités autonomes, la philosophia sera essentiellement politique. (…) Avec les conquêtes d’Alexandre, un changement radical bouleverse la civilisation antique. Les Cités, passant sous contrôle macédonien, perdent leur autonomie. Les citoyens voient changer tout à la fois les conditions d’exercice de leur citoyenneté et leur univers mental. Les grandes décisions se prennent ailleurs, sur place on ne gère plus que le quotidien. (…) Un vide s’est creusé. Ce qu’on investissait dans la vie politique on va le mettre ailleurs, là ou de nouvelles angoisses ont surgi. Il faut conjurer l’isolement, faire de l’homme éclaté une individualité capable de s’assumer comme telle. Mais à temps nouveaux, philosophies nouvelles. Tandis qu’un certain platonisme, passablement dénaturé, évolue vers le scepticisme, deux courants nouveaux naissent : l’épicurisme et le stoïcisme. La philosophie d’Epicure, mort en 270, se fonde sur une vue matérialiste du monde. Plus d’esprit, incarné ou pas, indépendant de la matière. Il n’y a que des particules matérielles, les atomes, qui tombent indéfiniment dans le vide, (…et) le bonheur c’est l’ataraxie, l’absence de troubles. Le stoïcisme repose sur un tout autre type d’analyse. Le monde est un grand Tout animé, une sorte d’immense animal auquel la divinité est coextensive, ce qui en garantit la bonne marche. La Providence y veille : une place pour chaque chose ; chaque chose à sa place. Le bien, dans ce système, consiste à vivre conformément à cette nature divinisée : cela s’appelle la vertu. Telle est l’apatheia du stoïcien, une indifférence durement conquise à l’égard de tout ce qui passionne les autres et les tourmente mal à propos. Les épicuriens qui avaient essaimés en Italie furent expulsés de Rome en 173, ce qui nous permet de comprendre que cet hédonisme passif, pour austère qu’il soit en fait, cet abstentionnisme politique surtout, ne pouvaient s’attendre à être vus d’un bon œil. Le stoïcisme, en revanche, jouissait dès le départ d’un préjugé favorable. Ce système exposant l’ordre excellent du monde et ses prolongements concrets jusque dans le détail de la hiérarchie sociale, voilà qui séduisait d’emblée le Romain. D’autre part, le stoïcisme fournissait des arguments aux conservateurs, peu enclins aux réformes que souhaitent les couches plébéiennes. Quand un ordre est perçu comme divin, il faut se garder de laisser remettre en question.
Le problème agraire et les Gracques
L’aspiration proprement vitale des populares à une distribution raisonnable des terres usurpées ne trouvait aucun écho favorable chez les optimates, les citoyens privilégiés. (…) Tiberius Gracchus, élu tribun de la plèbe en 133, résolut de déposer une proposition de loi visant à réactiver les dispositions anciennes qui limitaient à 125 hectares la portion du domaine public attribuable à un particulier. Les sénateurs, ulcérés, voyaient là non seulement une spoliation, mais encore une atteinte morale à leurs droits héréditaire. Une émeute éclata, à l’initiative des plus conservateurs d’entre eux, où Tibérius Gracchus périt massacré. Son frère cadet, Caius, reprit le flambeau avec un courage qu’on ne peut qu’admirer, car il se vouait évidemment à un avenir écourté. Sa loi agraire remit en vigueur celle de son frère. Contre le gré d’une oligarchie passablement fossilisée, cramponnée à ses privilèges, des perspectives plus larges s’ouvraient, dont la République pouvait sortir rajeunie et comme revigorée. Mais la nobilitas veillait. Les adversaires de Caius trouvèrent un procédé tout à fait astucieux pour empêcher les réformes d’aboutir : tourner Caius sur sa gauche, pratiquer une surenchère démagogique qui les rendaient inapplicables. Ne pouvant se résigner à voir disparaître son œuvre, Caius réunit ses partisans au Capitole pour une manifestation. Une provocation leur fit malheureusement tirer l’épée et à l’instar de Tibérius, son frère, il tomba en 121 au milieu de ses partisans. La tentative des Gracques s’achevait dans le sang.
Jugurtha, roi numide était un dangereux personnage qui non content d’avoir dépêché dans l’au-delà ses deux cousins, héritiers légitimes au trône, venait de s’emparer de Cirta (Constantine) en 112, et y avait massacré tout ce qui s’y trouvait de Romains ; Rome déclara la guerre au numide, mais ce fut plutôt pour le principe, car à la demande de Jugurtha lui-même, les négociations débutèrent en vue d’un arrangement. On le convoqua poliment à Rome pour recueillir son témoignage. Mais il sut acheter sur place assez de complicités pour que l’enquête s’arrêtât avant d’avoir sérieusement commencée. Jugurtha profita d’ailleurs de ce petit tour à Rome sous couverture diplomatique pour faire assassiner un de ses opposants qui s’y trouvait en résidence. On se contenta de l’expulser. On raconte que le roi numide, sur le point de rentrer dans ses foyers, lança cette apostrophe célèbre : " Rome, ville à vendre, et qui périra bientôt si elle trouve acquéreur ! ". Furieux de la mollesse du sénat dans cette affaire, les chevaliers rompirent l’entente avec lui, se rapprochant ainsi du parti populaire. Marius, d’origine modeste, mais ambitieux, pas plus intelligent qu’il ne fallait, s’était hissé jusque l’ordre équestre, qui le soutiendra toujours. C’était le type même du parvenu , à qui l’appétit vient en mangeant. Le consulat l’attirait. Il fut élu avec l’appui des chevaliers et du parti populaire.
L’enrôlement se faisait lors de chaque campagne selon un système censitaire, où les plus pauvres des citoyens se trouvaient écartés des armées. Les conditions de vie ayant changées, la mobilisation de citoyens devenait toujours plus difficile. Marius résolut de le supprimer carrément et d’admettre les prolétaires dans les légions. Les volontaires affluèrent, d’autant plus que la solde avait été revalorisée. Loin de souhaiter rentrer chez eux le plus tôt possible, où aucun moyen d’existence ne les attendaient, ces nouveaux légionnaires ne demandaient pas mieux que de voir leur service aux armées se prolonger indéfiniment. Ils avaient tout intérêt à ce que des campagnes nombreuses viennent les enrichir par le butin qu’ils en retirerait. L’armement, autrefois diversifié, fut uniformisé. Les effectifs, pour chaque légion, passèrent de 4000 à 6000 homme. Et chacune fut dotée d’une enseigne, objet de culte religieux. Le soldat romain devient un professionnel de la guerre et l’armée romaine une armée de métier.
Marius, grâce à l’appui de son armée, mais aussi du parti des populares, bafoua tranquillement la tradition républicaine en se faisant réélire au consulat 5 années de suite. On vota des lois agraires en faveur des vétérans qu’il fallait bien récompenser. Bref on restaura la politique des Gracques. Pourtant, les populares en faisaient un peu trop. Promulguer une lex maiestate (de la majesté du peuple romain) une tait dangereuse bévue. Bonne en soi, puisqu’elle visait à interdire toute opposition à la volonté populaire, elle eut pour effet d’inquiéter les chevaliers qui redoutaient la subversion égalitaire de l’ordre social. Ils se rapprochèrent donc du parti sénatorial.
Les Romains étaient les seuls à se prévaloir du titre de civis romanus, de citoyens romains, auquel étaient attachés droits et privilèges. Non seulement les Italiens se trouvaient exclus du fruit de tant de combats aux cotés de Rome, mais encore il arrivait que la distribution des terres aux citoyens se fit sur leur dos. Les incidents se multiplièrent où Italiens et Romains perdaient tour à tour la vie dans des conditions souvent odieuses. Puis ce fut la guerre civile, qui dura 3 ans, de 91 à 88, ou Romains et Italiens se surpassèrent en atrocités. Si les Romains finirent par l’emporter sur les fédérés, ce ne fut ni sans peines ni sans pertes. Ils estimèrent toutefois plus raisonnable de céder sur la fameuse question du droit de cité. C’était donc un état italien qui voyait le jour. Toujours est-il que dans cette guerre fratricide, Marius n’avait pas fait de miracles. Sylla, en revanche s’y était distingué. En 88, promu consul, il devenait le grand homme de la république. En 87, Sylla embarquait, laissant pour 4 ans Rome à ses dissensions entre populares et oligarchie. En orient, Sylla devait affronter un ennemi farouche, le Mithridate de Racine, qui régnait sur l’orient presque entier. Au prix d’efforts considérables les Romains investirent Athènes et prirent la ville qu’ils furent autorisés à piller. Après bien des combats, les Romains remportèrent deux victoires d’importance sur Mithridate en 86. Les deux adversaires se découvrirent l’un comme l’autre intéressés à la paix : Mithridate parce qu’il craignait de voir la situation se dégrader encore ; Sylla parce que ce qui se passait à Rome l’intéressait de plus en plus.
Au printemps 83 Sylla débarqua à la tête de ses 5 légions disciplinées, bien armées et largement pourvues de butin. Au cours de sa marche, il reçut l’allégeance d’un certain nombre d’alliés fort précieux, entre autres de Licinius Crassus et d’un tout jeune homme qui allait se faire un nom : Pompée.
Dans sa lettre au président du Sénat, Sylla suggérait qu’eu égard à la situation exceptionnelle, on désignât un dictateur ayant tout pouvoir pour réformer ce qui, dans la République, avait été source de troubles et de séditions. A l’unanimité, le peuple désigna Sylla pour occuper cette magistrature exorbitante du droit.
Avant fin 81, date d’entrée en charge des nouveaux consuls, Sylla qui eût pu rester, se retira. Il partagera désormais son temps entre Rome et ses villas de Campanie.
En 73, un ancien berger Thrace, déserteur d’une unité romaine d’auxiliaires, exerçait les fonctions peu enviables de gladiateur. Il s’appelait Spartacus. Fatigué de ce métier qu’il n’avait pas choisi, il décida de se révolter. Entrainant une soixantaine de ses camarades hors du centre d’entrainement , il réussit à mettre sur pied une dangeureuse petite troupe qui allait prendre les dimensions d’une véritable armée. Munis d’armes pillés, les insurgés se retranchèrent sur les pentes du Vésuve, d’où il fut bientôt impossible de les déloger. En 72 deux consuls furent battus et l’armée romaine subit une cuisante humiliation : 400 priosnniers rimains furent invités à tâter eux-même de la gladiature au cours d’un gigantesque combat monté par un Spartacus qui ne manquait pas d’humour. Affolé le Sénat confia la repression à Licinius Crassus. Au terme d’une gerilla sans merci qui dura de l’automne 72 jusqu’au printemps 71, Spartacus mourut au combat. Le mouvement fut impitoyablement écrasé. Pompée, qui rentrait d’Espagne y preta la main, massacrant 5000 insurgés en déroute. Fort de ces succès, Crassus et Pompée visaient le consultat. Il leur fut accordé en 70, bien qu’aucun des deux n’en remplît les conditions légales. A la suite d’une brillante action de propagande menée par un chevalier du nom de Cicéron, on rendit aussi à l’ordre équestre sa compétence juridique en matière de prévarication dans les provinces.
En 78, après l’abdication de Sylla, César avait refait surface et comme tout le monde s’était engagé dans la carrière des honneurs. En 60 il est de retour à Rome en vue des élections. Connaissant admirablement le milieu politique, il vit aussitôt le profit d’une alliance avec Crassus, immensément riche, et avec Pompée, imensément prestigieux. En 59 voilà César consul avec l’aide de ses deux compères. Il eût souhaité, par pur opportunisme, élargir le club des trois Grands à un quatrième, Cicéron, mais le viel intellectuel, tout à ses honorables scrupules, ne voulut pas renier ses convictions et passer au parti adverse.
César devait entreprendre une campagne dans les Gaules, qui devait durer de 58 à 51. Les choses allèrent d’abord bon train. Dès l’hiver 54-53 César connut de sérieuses difficultés. Au pruntemps 52, les Carnutes, habitants de la région de Chartres, ouvrirent les hostilités en massacrant les Romains établis à Orléans. Les Arvernes, l’ayant appris, se groupèrent à l’appel du jeune chef Vercingétorix, entraînant dans la résistance une bonne dizaine de peuples voisins. César avec 6 légions, se porta sous les murs de Gergovie, la capitales des Arvernes, et là, connut un échec cuisant, le plu grave, à vrai dire, de toute sa carrière. Il se disposait à s’en retournait vers la Provence romaine, lorsque, contre toute vraisemblance, la chance tourna. Il semble que Vercingétorix ait voulu trop bien faire. Estimant incomplète la victoire qu’il tenait, il voulut procéder à une charge de cavalerie, mais la manœuvre échoua, oubligeant les Gaulois à s’enfermer dans la ville d’Alésia pour attendre du secours. Par son imprudence il avait gâché la victoire qu’il avait à portée de main. César fit établir autour du plateau d’Alésia un siège à la Romaine qui emprisonnait les 80.000 hommes de Vercingétorix, et la population civile, dans ce piège mortel. Les Gaulois durent livrer leurs chefs, et Vercingétorix, prisonnier, restera 6 ans à Rome avant d’être finalement mis à mort en 46. Seuls résistèrent quelques foyers sporadiques d’irréductibles, que César traita avec une dureté inhabituelle.
Les derniers jours de la République
Le temps travaillait pour Pompée. A Rome le désordre ne faisait que croître. Qui d’autre que Pompée disposait dans l’immédiat de ce qu’il fallait ? Quant à son collègue Crassus, lors de son expédition chez les Parthes, au printemps 53, il fut battu à Carrhes, perdant 7 légions et trouvant lui même la mort. Quant à Clodius, l’homme à tout faire de César, il venait de lui arriver un accident. En fait Pompée ne risquait pas d’être entravé dans ses projets par les consuls : il n’en avait pas désigné pour 52 ! Quant au vénérable Sénat, il avait peur de tout et de tout le monde. Finalement Pompée fut revêtu seul du consulat, puis il bricola très astucieusement les textes législatifs et réglementaires afin de retarder autant qu’il le pouvait le retour de César aux affaires. Quant à lui, il se faisait octroyer 5 années suplémentaires de proconsulat en Espagne avant même que de s’y rendre… Le Sénat fit voter, en octobre 50, le remplacement de César à la tête de l’expédition des Gaules. César, s’il obéit et rentre à Rome en simple civil, il a tout perdu. Il sent bien que le rapport de force ne peut que lui être favorable. Ses hommes lui sont tout dévoués, alors que les armées de la République, sous le commandement d’un chef vieillissant, sont sur la défensive. C’est l’un ou l’autre. Finalement, au cours d’une nuit mémorable du 11 au 12 janvier 49, César décide de transgresser les ordres. Il entrera en Italie à la tête de ses troupes.C’est un petit fleuve, le Rubicon, qui marque la frontière entre la Cisalpine et le territoire métropolitain. "Jusqu’à ce moment, dit-il à ses hommes, nous pouvons encore revenir en arrière. Mais une fois passé ce pont, tout devra être réglé par les armes… Le sort en est jeté. Alea jacta est…". Et César franchit le Rubicon.
Pompée prit le parti de renoncer à défendre Rome et l’Italie. Il descendit sur Brindes avec les césariens sur les talons, et réussit à embarquer non seulement ses troupes, mais encore la majorité des sénateurs qui l’avaient suivis. César, entré dans Rome, rassembla ce qui restait de Sénat décida de liquider au plus tôt les légions pompéiennes d’Espagne. Dès la fin de 49, César revenait à Rome en conquérant. Il n’hésita pas à renflouer les caisses en pillant les trésors des temples. Il ne rentrait d’ailleurs pas en irrégulier, car tandis qu’il guerroyait en Espagne, Lépide et quelques sénateurs bien disposés lui avaient conféré la dictature. En janvier 48 il était élu consul. Pompée n’était désormais plus qu’un usurpateur, et le Sénat, installé à Thésslopnique, une assemblée sans représentativité.
En juillet 48, on crut bien, au Sénat de Théssalonique, que s’en était fini de César. Déjà on jubilait : on imaginait l’hallali. Or, en entraînant son adversaire en Thessalie, César avait forcé le destin, obligeant Pompée à se battre à découvert dans la plaine de Pharsale, pour une lutte en soi absurde. Rome se retrouvait face à Rome pour un combat d’où allaient dépendre l’avenir de ses institutions. A midi tout était décidé. Voyant la partie perdue, les chefs de la nobilitas s’enfuyaient vers l’Afrique, afin de s’y regrouper. César, qui avait horreur des demi-victoires, portait le combat jusqu’au camp de Pompée. Le vieux chef, accablé, estimant que le destin avait joué contre lui, quand il comprit que tout était perdu, il s’enfuit vers l’Asie Mineure, puis vers l’Egypte. Un sort navrant l’attendait là-bas. Débarquant, il fut assassiné par les agents du roi Ptolémée XIV, époux et frère de Cléopatre. On garda précieusement la tête de Pompée pour la présenter à César, qui allait débarquer à Alexandrie 4 jours après ce vulgaire assassinat, mais le vainqueur s’indigna sincèrement de cette fin.
Il fallait désormais de s’assurer de l’Orient, à commencer par l’Egypte. Or la cour était un véritable panier de crabes. Pas moins de 4 prétendants se disputaient le pouvoir. César fit revenir secrètement Cléopatre, qui était en exil, et la réconcilia, en apparence du moins, avec son frère. On tenta d’assassiner César lors du repas de réconciliation et des conjurés organisèrent un soulevement. Tout l’hiver 48-47, César dut subir un siège dans le quartier du palais, jusqu’à ce que Mithridate de Pergame, prince ami, vînt le sortir de sa fâcheuse position. Rocambolesques aventures, au cours desquelles César s’éprit de la jeune souveraine. Il s’empressa d’ailleurs de concrétiser ses sentiments en lui faisant un enfant, le petit Césarion, promis à un court et triste destin. Il n’était pourtant pas question pour César de s’alanguir indéfiniment sur les canapés de Cléopatre. Dès juin 47 on l’avertit qu’en Asie Mineure, un certain Pharnace avait battu le lieutenant de César à Nicopolis. Le sang de César ne fit qu’un tour. Quittant Cléopatre, il vint, il vit et il vainquit le roitelet en question à Zéla. En fait César ne prononça jamais ces mots fameux, Vini, vidi, vici : il les écrivit à un ami.
Dès la fin de décembre 47, César débarquait en Afrique, où s’était retranché le dernier carré des pompéiens, l’ancien Sénat et 10 légions. Les deux têtes du mouvement étaient Metellus Scipion et Marcus Porcius Caton, l’arrière-petit-fils de l’Ancien. César battit d’abord l’armée de Scipion. Ce dernier se passa une épée au travers du corps. Caton, parvenu jusqu’à Utique, sur la côte au nord de Carthage, puis se retira en sa tente, après avoir fait mettre en sureté ses partisans, pour lire le Phédon, où Platon traite de l’immortalité. Le moment venu il se fit remettre son épée.
Rentrant à Rome à la fin d’août 45, s’était fait un plaisir d’inviter Cléopatre accompagnée du petit Césarion. Il était à la tête de la Grande Armée : 39 légions, soit 200 000 hommes, sans même compter les troupes auxiliaires. Nous savons l’importance de l’évergétisme dans les sociétés antiques, et César avait à cœur de se conformer à l’usage. l’appui du peuple, donc, allait de soi et complétait la richesse et la force des armes. Consul, il cumule avec cette haute charge la dictature : on lui a conféré pour une durée de 10 ans, avant de le lui accorder à perpétuité. Le mois de sa naissance s’appelle désormais Julius, ce qui donnera notre juillet.
L’état de la société romaine et de son empire, dans la pensée de César, appelait uen démarche radicale. Il restructura la société, au prix d’une mise au pas de l’oligarchie : 1% peu-être du corps social, mais qui pesait sur le peuple de tout le poids de son argent et de son influence. Elle eût crié à la tyranie si seulement elle avait osé. Néanmoins, l’idée d’éliminer César faisait tout doucement son chemin. Parmi eux, le jeune Brutus. Il était à la fois républicain, disciple de l’Académie et psychologiquement fragile. On a dit qu’il était sans doute le fils de César. En fait, cela paraît peu vraisemblable. Il y avait aussi un pompéien mal rallié, Cassius et quelques autres. Cicéron, prudent, se contentait des les approuver du fond du cœur. César ne cherchait même pas à sauver les apparences. Il ne se gênait pas pour dire, selon Suétone, que la "res pulica" n’était qu’un vain mot sans consistance ni réalité.
César tomba frappé de 23 coups de poignard le 15 mars 44. Les conjurés y mirent tant de conviction qu’ils réussirent même à s’entre-piquer.
La dernière des guerres civiles
Antoine, le consul, le plus chaud partisan de César, demeurait introuvable. Il serait bien capable de prendre la tête d’un soulèvement et de venger le défunt ! Voyant la tournure que prenaient les choses, les assassins prirent en otage le fils d’Antoine et se retranchèrent dans le Capitole. Alors seulement Cicéron vint les rejoindre, et l’on palabra. Rassuré, Antoine refit surface et convoqua le Sénat pour le 17. Antoine donnait l’impression de pactiser avec les conjurés : il leur promettait l’amnistie à la condition que les actes seraient validés. Ce soir-là, tout baigna dans l’huile : Cassius, la tête du complot, dîna chez Antoine et Brutus chez Lépide ! Antoine exigea seulement qu’on rendît à César ce qui revenait à César : les honneurs – et qu’on lût en public le testament du défunt. Seulement, le 20 mars, au cours des funérailles, les choses changèrent. Dans un discours bien senti, Antoine retourna la situation de telle façon que dans le cœur du peuple, le regret et la colère explosèrent. Les conjurés durent s’éloigner au plus vite, et Cicéron, jugeant malsain l’air de la capitale, s’en fut en Campagnie où il avait justement une maison de campagne.
A signaler l’entrée en scène d’un bon jeune homme, assez insignifiance en apparence, malingre, dépourvu de tout prestige militaire comme de toute vraie notoriété, et qui s’appelait Caius Octavius. Il se trouvait petit-neveu de césar, et le testament du défunt, qu’on venait de rendre public, le donnait comme fils adoptif posthume du dictateur. Octave, ce gamin de 18 ans, ne faisait évidemment pas le poids en face du puissant, du colossal Antoine. Octave lui faisait de l’ombre, d’autant qu’il réclamait avec insistance l’énorme héritage de César, qu’Antoine eût été bien aise de s’approprier. Entre-temps Antoine était parti pour la Cisalpine, d’où il entendait déloger l’un des conjurés qui y était gouverneur. Le moment paraissait venu pour le Sénat de lancer Octave. Ce dernier avait pris la mesure d’Antoine, et il savait que de ce côté, ce n’était pas la République qu’on allait restaurer, mais le césarisme pur et simple, autrement dit, pour l’heureux gagnant, le maximum de pouvoir pour le maximum de temps. C’était quand même autrement tentant (que l’alliance avec le Sénat contre Antoine), même si la forte personnalité d’Antoine ne pouvait lui laisser espérer qu’un partage de la puissance suprême…. En attendant mieux. Et à partir de ce moment on voit Octave se rapprocher doucettement d’Antoine. Tant pis pour ceux qui s’étaient compromis, Cicéron par exemple, qui n’avait rien imaginé de tel et qui continuait de parler de " l’enfant de César " avec une condescendante tendresse. Cicéron était perdu, et il n’en savait encore rien.
En juillet 43, Octave posa au Sénat un ultimatum sous la forme d’un détachement armé. Il n’en sortit évidemment rien. Octave marchant lui aussi sur Rome, franchit l’inévitable Rubicon et le 19 août, il était fait consul avec un obscur comparse, et fin octobre, une réunion se tint à Bologne, d’où sortit ce que l’histoire connaît sous le nom de deuxième Triumvirat. Elle accordait pour 5 ans tous les pouvoir à Antoine, Octave et Lépide. Dès la fin de 43, des édits de proscription furent affichés, avec des têtes mises à prix, confiscation de biens, etc… Octave fit tout pour épargner Cicéron, mais dut céder aux insistances d’Antoine et de Lépide attachés à sa perte. Rejoint le 7 décembre par les soldats dans sa propriété de Gaète, il fut promptement égorgé. Les exécuteurs revinrent à Rome avec la tête et les mains de l’avocat. Antoine fit exposer ces navrantes reliques à la tribune de Rostres. Cicéron était le premier d’une longue liste, puisque, selon Appiens, 300 sénateurs et 2000 chevaliers auraient été ainsi éliminés.
Les armées républicaines s’étaient regroupées en Orient sous le commandement de Brutus et de Cassius. Antoine et Octave décidèrent de passer l’Adriatique afin de les rejoindre et de les écraser. Vaincus, les 2 conjurés se donnèrent la mort. Brutus se jeta sur son épée en s’écriant, paraît-il : " Vertu, tu n’es qu’un mot ".
Les triumvirats s’étaient répartis le gouvernement des provinces d’Occident : Antoine aurait la charge la Gaule Narbonnaise, Lépide l’Afrique et Octave l’Italie. C’était à Antoine que revenait la préparation de la guerre projetée par César contre les Parthes. Antoine s’en fût donc là-bas et prit contact avec Cléopâtre. Las ! Il ne tarda pas à se prendre pour la jeune femme d’une passion autrement fervente que celle de César.
Durant ce temps, Octave réprima quelques troubles en Cisalpine et en profita pour faire main basse sur la Narbonnaise, fief d’Antoine qui rentra précipitamment à la fin de l’été 40. Grâce à la médiation d’un chevalier appelé Mécène, lié à Antoine, les choses finirent par s’arranger. Ce fut une sorte de partage du monde. L’Orient hellénique reviendrait à Antoine et l’Occident à Octave. Lépide, de plus en plus effacé, garderait l’Afrique. Là-dessus, Antoine épousa Octavie, la sœur de son collègue.
Octave s’arrangea pour provoquer la défection des légions de Lépide et le destitua de ses fonctions du triumvir. Ne restait plus en piste q’Antoine et Octave, chacun rêvant en secret d’éliminer l’autre. En occident la paix était revenue. Le 13 novembre de 36, Octave recevait les honneurs du triomphe. Il se faisait désormais appeler César commandant en chef, fils du divin Jules. En Orient aussi la paix revenait et Antoine, aux côtés de Cléopâtre réorganisait l’Orient à son idée. Octave dénonça au sénat, dans son discours du 1er janvier 33, les prétentions d’Antoine à devenir un potentat oriental traître à sa patrie romaine. Il est vrai que ce dernier venait de répudier l’infortunée Octavie. S’estimant assez soutenu par l’opinion, Octave décida de la guerre. Cléopâtre apparaissait comme une ennemie de l’Etat, menaçant l’Italie. C’est donc à elle qu’on la déclara. Dès lors Antoine commît la faute de la soutenir par les armes, il devenait par le fait même, à son tour l’ennemi de Rome. Imparable juridiquement.
Lorsque le 2 septembre 31, la flotte d’Antoine tenta de sortir du golfe d’Ambracie, elle se trouva défaite – de façon d’ailleurs indécise – au cap d’Actium, la débandade se prit de façon inexplicable dans le camp d’Antoine. Cléopâtre abandonna la bataille avec sa flotte, et Antoine la suivit. Peu après, Octave recevait la soumission de la Grèce et de l’Asie. l’Egypte tomba l’été suivant. Assiégé dans Alexandrie, Antoine mit fin à ses jours, Cléopâtre en fit autant, et Octave fit supprimer Césarion.
En août 29 Octave célébrait dans l’allégresse de la paix retrouvée un nouveau triomphe.