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4 octobre 2010 1 04 /10 /octobre /2010 21:08

Toambapiks

Quoi de plus pédagogique qu’une fable pour inviter le commun des mortels à s’intéresser aux " lois " et mécanismes de l’économie contemporaine ? Comment mieux faire ressortir, derrière la mathématisation à outrance de cette science sociale et le jargon sibyllin dont se plaisent à user la plupart des experts économiques, les enjeux idéologiques qui s’y lovent ; ces partis pris vêtus de la plus descente manière ? C’est-à-dire parés des habits de gloire de l’imparable objectivité des sciences dites " dures ". Dans un domaine où se succèdent des manuels plus austères les uns que les autres, le livre de Laurent Cordonnier détonne assurément. Et c’est avec un véritable plaisir qu’on se plonge au cœur de l’histoire des Toambapiks, ce peuple perdu sur une île du pacifique. Leur économie en nature ne repose que sur la culture d’une plante unique, le Taro et ils ne connaissent ni la monnaie, ni le chômage. Mais il était fatal qu’ils veuillent un jour diversifier leur économie. Pour se faire, ils ont fait appel à un représentant du MIT, en la personne d’un jeune et brillant professeur, Jim Happystone. Ce dernier a accepté cette mission, disons par opportunisme. Sur cette île se trouvent des propriétaires terriens, les Karentoc et des ouvriers. Après quelques semaines d’observation et avoir assisté à l’inénarrable cérémonie du Walras, notre économiste propose aux Toambapiks un plan en quatre points. Sommairement : 1) diversification des cultures proprement dites, avec l’introduction de trois autres plantes. 2) Règles de mise en culture pour assurer une production homogène. 3) Création d’une monnaie, le Topik. 4) Sans oublier la banque qui va avec. La suite de la fable nous permet de d’assister à la mise en œuvre de ce plan, qui aura pour conséquence de conduire à une baisse des prix et à la disparition des profits, avec pour y remédier l’introduction de la concurrence, qui conduira notre brillant économiste en très fâcheuse posture. Ce sera l’introduction de l’investissement, proposé par la belle Kaldoc, fille du chef de village, qui sauvera notre aventurier du pire. C’est ainsi que verront le jour quatre fabriques de production d’outils et d’ustensiles divers pour augmenter la productivité des exploitations agricoles. S’en suivra un âge d’or. Mais tout à une fin, et plutôt que de conter la suite de l’histoire, avec l’introduction des dividendes, l’apparition de nouveaux commerces et la consommation de luxe, je préfère m’en arrêter ici, espérant que cette présentation incitera plutôt à vouloir lire par soi même ce livre plein d’humour et aux vertus pédagogiques indéniables, avec toute l’attention qu’il mérite ; c’est à dire avec un crayon à la main (car si le début apparaît limpide, la suite se corse et s’emballe : non pas que cela en devienne obscur, mais les rouages des mécanismes économiques ne se livrent pas sans un petit effort de calcul et de concentration. Et ce n’est qu’à ce prix (modique) que des badauds ignares en scolastique économique tel que moi, se surprennent soudain à triompher, pour avoir subitement compris le sens de la phrase : " Les salariés dépensent ce qu’ils gagnent, les capitalistes gagnent ce qu’ils dépensent ".

 

S’il y avait une seule chose à regretter, je dirai que seul manque à mon sens un volet écologique à cette histoire, car il me semble que l’on reste dans la logique d’une croissance matérielle dans monde idéal infini. C’est dommage, car avec une île, et ses limites, on peux se demander ce qu’aurait donné ce modèle confronté, par exemple, à quelque montée des eaux ou à une surexploitation des ressources, rendant certaines terres incultes.

 

 

Quoiqu’il en soi c’est un livre à mettre avec empressement entre toutes les mains (et qui devrait se trouver dans la liste des ouvrages de tout bon étudiant, et pas seulement de ceux en science économique)

 

    

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