Je ne sais plus dans quelle nouvelle j’ai lu, il y a de cela bien des années, que quelqu’un qui s’intéressait aux oiseaux ne pouvait être foncièrement mauvais… C’était là le jugement définitif d’un personnage à propos d’un quidam soupçonné de crime… Ma mémoire a effacé le reste et je serai bien incapable de dire aujourd’hui s’il était ou non coupable. Au-delà de l’anecdote il faut reconnaître que les références aux oiseaux, que se soit dans la littérature ou la philosophie, sont plutôt rarissimes.
Certes il y a, parmi les poètes, l’Albatros de Baudelaire dont s’amusent les hommes d’équipage, le bestiaire de La Fontaine, comprenant lui aussi quelques volatils (du corbeau à la cigogne passant par l’hirondelle), ou encore chez Rimbaud cette Tête de Faune où « l'on voit épeuré par un bouvreuil Le Baiser d'or du Bois, qui se recueille ». Mais le butin demeure famélique. Quant aux philosophes, hormis Kant et son Rouge-gorge le paysage a hélas des allures de toundra désertique. Reste, à mi-chemin entre philosophie et poésie, cette petite mention à propos de la gent avienne que j’ai relevé hier soir chez Lucrèce ; lorsqu’il est question de la « Mère des Enéades ». Voici ce passage : « tout d’abord les oiseaux des airs te célèbrent, ô Déesse. (….) parmi les demeures feuillues des oiseaux et les plaines verdoyantes, enfonçant dans tous les cœurs les blandices de l’amour, tu inspires, à tous les êtres le désir de propager leur espèce ».
Pour l’heure l’essentiel soucis des merles, des grives et autres mésanges est de se nourrir pour ne point périr dans le froid.
Ces quelques photographies (1) ne prétendent à rien d’autre qu’à témoigner d’un instant ; un après-midi de farniente au chaud près de l’âtre, l’appareil dans une main le Gai savoir dans l’autre, à converser par intermittence avec une dame de qualité à propos d’un livre de qualité.
Et ces pauvres oiseaux dans la froidure…
« Il est doux, quand la vaste mer est soulevée par les vents, d'assister du rivage à la détresse d'autrui ; non qu'on trouve si grand plaisir à regarder souffrir ; mais on se plaît à voir quels maux vous épargnent. »
Lucrèce, De la naure (livre II)
(1) D’un point de vue technique elles sont pitoyables : prises à la volée, sans trépied (ce qui explique que certaines soient plus ou moins floues), sans recherche artistique particulière. Mais j’aime ces photographies. Y sont représentés là des amis de longue date.