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18 avril 2012 3 18 /04 /avril /2012 20:50

cap-croc-3.jpg

 

De-cape-et-de-croc-10.gifIl fut, il y a de cela une poignée de jours, question de belle langue et d’orthographe dans un billet rédigé avec toute la délicatesse qui s’impose lorsqu’on effleure des sujets controversés.

 

Aussi, vagabondant par association d’une idée l’autre, saluerai-je la parution de l’acte X de la délicieuse série BD De cape et de crocs.
En voici une goûteuse BD à la langue suspendue haut perchée dans les nues.

 

Honneur, panache, amour courtois, songes, machineries extraordinaires et joute de vers…

 

Avec dans le rôle du maître d’arme un certain Cyrano, celui-là même secrètement épris d’une gent damoiselle, la douce Séléné.
Rêveuse à son balcon la belle, qui endossera bientôt le rôle de Roxane, s’émeut des vers déclamés par un amant inconnu. Par un renversement de la célèbre histoire, le versificateur amoureux n’est point Cyrano, mais monsieur de Maupertuis, le renard. Ce dernier, caché dans les aubépines, déclare sa flamme, mais la belle se méprend ; elle en aime un autre…
Au comble du désespoir, sous les étoiles, peu après monsieur de Maupertuis apostrophe sans détour son rival : « Son bonheur vous importe-il ? ». « S’il m’importe ? !, s’exclame Cyrano, ah, Monsieur, plus que ma vie ! ». « En ce cas courez la rejoindre ! », répond tout sourire le canidé gentilhomme contrefaisant sa peine immense…cap-croc-1.jpg
Mais ce n’est ici qu’un mince épisode de ces aventures trépidantes sur la lune.

 

Il est question de masques et de retour sur terre ; mais pour cela encore bien des épreuves attendent nos héros.

 

J’ai évoqué brièvement les figures du maître d’arme, de Séléné et de monsieur de Maupertuis. Mais comment ne pas admirer encore Don Lope, le loup, hidalgo haut en couleurs et indéfectible ami de monsieur de Maupertuis. Comment ne pas être fasciné, à rebours, par la noire ambition du capitan Mendoza, de se prendre de passion pour la trajectoire du navire pirate projeté dans les froids espaces par Bombastus, savant fou allemand…
Il y a tant d’autres personnages encore, qui confèrent à cette saga un cachet si particulier. L’avare, bien sûr, mais aussi Eusèbe, point si naïf qu’il en a l’air, le Raïs Kader, ancien janissaire d’un Sultan et veille jalousement sur sa fille Yasmina. Tant d’autre encore…

 

Des pages ne suffiraient point à dire tout le bien que je pense de Cape et de Crocs. Ce nouvel opus, on l’aura compris, pour moi c’est que du bonheur.


Et je laisse chacun méditer sur la manière dont on règle, sur la lune, les affaires d’honneur.

 

cap-croc-2.jpg

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2 février 2012 4 02 /02 /février /2012 19:22

servitude3.jpg

 

A dire vrai je ne saurai affirmer d’où vient l’idée du titre de cette série BD fantastique si attachante, dont le troisième tome « L’adieu aux rois » est sorti en novembre dernier chez Soleil. J’aime cependant à y déceler un clin d’œil à l’œuvre maitresse d’Etienne de La Boétie.
Mais ici c’est essentiellement de la servitude des princes et des puissants dont il s’agit ; de l’hubris des ‘maîtres du monde’ – sous l’emprise qu’ils sont de leurs délires des grandeurs. Cette maladie de l’âme qui faisait dire à Sénèque : « Combien d’hommes que l’opulence accable ; (…) que de grands à qui le peuple des clients toujours autour d’eux empressé ne laisse aucune liberté ! » (1).

 

Ecrit par Fabrice David (Les voies du seigneur) le scénario solidement charpenté, développe une intrigue complexe et passionnante ; nombre de romanciers , d’ailleurs, feraient bien de s’en inspirer (mais il est vrai que de nos jour on donne plutôt dans l’autofiction narcissique que dans la saga).
Je ne reviendrai pas ici dans le détail de l’histoire, ni sur l’arrière-fond dans lequel évoluent lesServitude-1.jpg personnages, se trouvant sur la toile d’excellentes présentations vers lesquelles je renvoie volontiers les lecteurs intéressés. Je me contenterai juste d’évoquer la subtilité avec laquelle sont distillés, au fil de l’aventure, les éléments fantastiques du scénario. Ainsi Servitude prend ses racines dans un univers de type médiéval, avec un soupçon de magie et de créatures hybrides. Et à la lecture des trois premiers tomes de cette palpitante saga (qui devrait en compter au moins cinq), je n’ai pu m’empêcher de faire le rapprochement avec la superbe série télévisée intitulée Le Trône de fer (Game of thrones), dont la saison II est actuellement en préparation. Je ne savais d’ailleurs pas - j’aurai dû, à la richesse du scénario le soupçonner - que l’adaptation télévisuelle s’adossait aux écrits d’un certain George R. R. Martin, écrivain américain dont je dois reconnaître, à ma grande confusion, que jusqu’alors je n’avais jamais entendu parler. Le premier tome de sa saga (sur un cycle qui devrait en compter sept en sa version originale, les traductions françaises étant davantage saucissonnées, probablement pour des motifs mercantiles), précisément intitulé Game of thrones est sorti en 1996. Actuellement il en est au tome 5 (Dance with dragons, sorti en 2011).
Cette impression de connivence fortuite entre le Trône de fer et Servitude  a été confirmée par le dessinateur et coloriste de la série BD, Eric Bourgier en personne : « J’ai découvert tardivement les romans du Trône de fer et je dois dire qu’il a fait un truc très fort avec lequel nous n’avons pas la prétention de rivaliser, mais c’est vrai qu’il y a un esprit commun avec notre univers ».

 Servitude-carte.jpg

Servitude-2.jpgCe qui m’amène à dire quelques mots du travail d’Eric Bourgier, dont il n’est pas anodin d’indiquer qu’il a débuté sa carrière comme illustrateur de jeux de rôle.
Au niveau des tons, à mille lieues des planches flashy qu’affectionnent certains - dont je ne fais pas partie - la dominante marron rehaussé d’une palette de gris sert à merveille le propos. Le rendu n’est ni glauque ni terne. Tout au contraire. L’ambiance est plantée, avec juste ce qu’il faut de contrastes et, des déserts brulants de la province de Veriel aux froids sommets des terres d’Anoroer, on sent parfaitement la dureté de ces temps d’incertitudes où sourdent mille et une manigances. Quant au dessin, juste ciselé avec une dextérité qui force l’admiration, il ne concoure pas moins que la palette de couleurs à l’immersion dans cette œuvre passionnante dont c’est avec impatience que j’attends le prochain tome (il me faudra armer de patience, chaque sortant avec un intervalle moyen de trois ans).
Least but not last, j’ai particulièrement apprécié les éléments annexes aux planches dessinées proprement dites. La carte, cela va de soi, mais aussi les lettres, les documents décrivant le contexte et la société dans lesquels évoluent les personnages, ainsi que les textes relatant l’issue de la bataille de L’adieu aux rois (procédé ludique tant qu’original de finir l’histoire). Les amateurs de jeux de rôle, particulièrement les MD, y verront là un background particulièrement bien ficelé.

 ServitudeT01P19.jpeg

On l’aura compris, Servitude est définitivement une série qui se doit trouver dans les meilleures BD-thèques.

LePictographe-Servitude-Chantd-Anoer_Drekkars_AdieuAuxRois.jpg

 

 


(1) Sénèque, De la brièveté de la vie.

 

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3 avril 2011 7 03 /04 /avril /2011 11:27

 Feul 1 

  

Très belle trilogie scénarisée par Jean-Charles Gaudin (Marlysa, Les princes d’Arclan, etc.), et dont le dernier tome remonte à 2009. Une série qui, sans en révéler la trame, est hélas d’une brûlante actualité ; et laisse à réfléchir. " Pour le dire brutalement, je ne suis pas sûr que l’humain que je suis soit prêt à changer de mode de vie pour que l’humanité gagne quelques milliers d’années d’espérance de vie. Et si, comme je le pense, ce constat représente la pensée moyenne de l’humain egocentré individuel, il devient très difficile de voir comment les choses pourraient changer de quelque manière que ce soit ". (1)

 

 

En bref : la terre probablement à une époque indéterminée, dans un futur lointain assurément… Une maladie sordide et mystérieuse, le Feul, ravage depuis long des peuples, les Oldis et les Bourouwns dont les cultures, les mœurs et les croyances s’opposent en tout. " Beaucoup de grands avaient été emportés par le Feul, mais père disait que la maladie frappait surtout les enfants… Mon frère aîné que je n’ai jamais connu était mort lui aussi du feul à l’âge de deux ans… Aujourd’hui, c’était mon petit frère qu’on mettait en terre ", dira Jautry l’un des protagoniste de cette fresque merveilleusement mise en image par Frédéric Peynet et sortie aux édition Soleil.

 

Est repêché un jour, dans les filets des Oldis, le cadavre d’un Bourouwn, sans doute noyé eFeul 2t transporté par les courants après avoir glissé en amont sur les rochers de la rive. Le conseil des Oldis, malgré l’antagonisme des deux peuples, a décidé de restituer le cadavre aux Bourouwns et le disposent, en attendant, dans l’argile afin de mieux le conserver. " Chacun appelle barbarie de qui n’est pas de son usage ", a constaté Montaigne dans le fameux chapitre Des cannibales de ses Essais. Et c’est exactement ce que dira le fils de la victime, introduit nuitamment à la tête d’un petit groupe armé dans le village Oldis, lorsqu’il découvrira le corps ainsi apprêté : " Comment ont-ils osés faire ça ?.. Les Oldis ne sont que des barbares ! ".

S’en suivra une poursuite sanglante qui s’achèvera par la capture de deux Oldis, mère Valnes et l’un de ses compagnons, qui seront menés à s’expliquer devant le chef du village Bourouwn. Ils découvrent à cette occasion que le Feul frappe ces derniers également durement, et qu’ils s’apprêtaient à remonter la rivière, bien en amont, afin d’y rencontrer un autre peuple, les Albinths sortes de géants, considérés comme primitifs et dont les coutumes révolteront bientôt mère Valnes au-delà du descriptible. Les Albinths, qui considèrent leur femmes comme leurs propriété foncière, et détruites à la mort de leurs propriétaires, sont en effet soupçonnés d’avoir empoisonné les eaux de la rivière.

 

 Feul - planche

 

 

Feul3Il est décidé une expédition commune. Bourouwns et Oldis vont devoir apprendre à coopérer, et surmonter leurs différences. " C’est inadmissible. Ce sont des bêtes ! Savoir qu’ils forniquent pendant notre prière me met hors de moi ". C’est ce que crachera Dalïark, le fils de l’homme retrouvé mort dans les filets des Oldis à son chef de village, le sage nabot Kaliam à l’issue du premier jour de l’expédition. Les Bourouwns, en effet, sont des rigoristes vouant leur prière au dieu Gorna, tandis que les Oldis, plutôt panthéistes si ce n’est athées, ont des mœurs libertines où les femmes, pour des motifs de déséquilibre démographique, se partagent les hommes.

 

 

Les Brohms sont l’un des autres peuples de cette terre malade. Esclavagistes violents et sans pitié, ils asservissent les peuples et villages de la contrée, tel celui des résignés Baudhels afin de les faire travailler dans des conditions affreuses au fond de leurs mines. Les aventuriers, malgré les réticences de l’Albinth mâle qui a rejoint le groupe avec sa compagne, ne pourront s’empêcher d’intervenir devant le massacre. Il faut dire quel les Albinths, en rien coupable de la maladie, souffrent aussi du terrible fléau qu’est le Feul. " Un groupe ?.. Quelqu’un s’est-il soucié seulement de connaître mon nom ?… ", lâchera cependant amer le géant par une nuit d’orage à ses compagnon de route médusés qui l’avaient sauvé de la foudre, peu être davantage par intérêt que par grandeur d’âme.

 

Cette quête haletante, dont je ne dirai rien de plus afin de n’en point gâter la saveur, connaîtra ses moments heureux et ses drames. Mais ainsi va la vie.

C’est une belle et terrible aventure que Le Feul, et qui forcera les aventuriers à surmonter - et peu être aussi à comprendre - leurs différences ; une quête qui les mènera aux confins du monde, jusqu’à la source du mal.

 

 

Brohm sur sa monture 


 

(1) Stéphane Ferret, Deep Water Horizon, Seuil 2011, p287. Excellent essai sous titré "Ethique de la nature et philosophie de la crise écologique", sur lequel je reviendrai prochainement. 

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