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10 août 2010 2 10 /08 /août /2010 17:59

Cet été, Philosophie Magazine a organisé un magnifique cycle de conférences sur le thème " Les aventure de la raison ". Y étaient invités Hubert Reeves, Etienne Klein et Jean Pierre Dupuy. Chacun d’entre eux nous a proposé trois conférences. Pour Hubert Reeves : " La raison peut-elle être l’ultime instance ? ", " Les leçons du passé " et " Les risques de l’intelligence ? ". Etienne Klein proposa : " Peut-on penser le temps ? ", et en deux parties " De quoi Galilée est-il le nom ? ". Enfin pour Jean Pierre Dupuy, outre un visionnage du film Vertigo d’Hitchcock, les conférences furent " Apocalypse now ", " La religion au vu de la raison et réciproquement " et " Que peut la raison face à la passion ". S’y ajoute une conférence, non prévue initialement, de Monique Canto-Sperber intitulée " La rationalité grecque ".

A l’issu de ce cycle s’est fait sentir le besoin d’une confrontation des vues des trois conférenciers (d’accord sur l’essentiel, mais divergents parfois sur des points particuliers). Voici un court extrait de cette conférence finale que j’ai enregistré au mieux avec les moyens du bord. Il s’agit de la réponse à la question d’un auditeur : " Le catastrophisme éclairé n’est-il pas un pessimisme ? "








 

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9 août 2010 1 09 /08 /août /2010 09:56

bouteille à la merLors d’une sympathique, tout autant qu’informelle conversation, alors que nous attendions le moment propice pour sacrifier au rituel de salutations marines, et que les hôtes défilaient devant nous apprêtés de leurs plus beaux atours pour l’occasion, Jean Pierre Dupuy nous confia qu’il voyait ses livres comme autant de bouteilles à la mer. Au-delà de ce qui peu sembler la banalité d’une métaphore, nous avons cru y voir une justesse exquise dans le propos ; une vérité d’évidence qu’il serait vain d’éluder d’un revers de manche… Car qui pour prédire l’effet d’un geste, d’un oubli, d’un non-dit, ou d’une petite attention, voire d’un sourire ? A fortiori qui pour prévoir et anticiper l’impact d’un poème, d’une nouvelle d’un essai ?… De gros tintamarres n’accouchent souvent que de brises légères, remuées en vain dans les fumées de salons mondains. Combien de concepts qui n’ont de légitimité que celle que leur prête la fatuité de leurs auteurs – et de l’atonie servile de leur thuriféraires ? Combien aussi de sagesses perdues dans les sables des déserts ? De la multitude à l’individu, et vice versa, rien de prévisible ; vaste horizon de brume et rivages inconnus à perte de vue. Et parfois, en un instant précis, une simple phrase se trouve à même de bouleverser une vie entière… Ni avant, ni après. Rien n’est vain, tout est futile, imprévisible et essentiel. 

 

Je me souviens jadis avoir ramassé dans les sables de la baie de somme, après une méchante marée au large du Marquenterre, une petite bouteille de verre. S’y lovait un message sibyllin dont la teneur m’a échappé depuis lors, mais que j’ai conservé précieusement en un lieu dont, ironie du sort, j’ai perdu souvenance… Mais ainsi en va-t-il de nos errances oisives. Sans doute ne s’agissait-il là que des facéties d’un quelconque rêveur d’écume. Mais l’imagination est si prompte à s’enflammer que la raison n’a d’autre choix qu’intercéder auprès de notre conscience troublée : rendre ce monde lisible à défaut d’être intelligible. Moult vocations sont nées de ces infimes grains de sable portés en notre jardin au gré des humeurs du vent. Autant de signes du hasard mués en destin.

 

Dans le conciliabule feutré de nos lectures, certaines phrases, plus que d’autres suscitent émotions, doutes, approbations, questionnement ou dégoût viscéral. D’aucunes alimentent nos rêveries, tandis que d’autres suscitent réflexion. L’indifférence parfois nous étreint là ou des sensibilités nous apparaissant singulières s’enflamment… Certains ouvrent un livre au hasard pour y méditer la première phrase venue… Pourquoi non ? J’ai pris le parti ici de puiser au fil de mes lectures des phrases, ou des paragraphes m’ayant touchés ; selon ce principe des bouteilles à la mer les voici virtuellement livrées aux vagues… Juste pour l’inutilité du geste : pour les méditer, les commenter, se les approprier ou les rejeter… 

 

Sous la forme d’un clin d’œil, en hommage à Jean-Pierre Dupuy, pour sa gentillesse et disponibilité, et puisqu’il nous a donné l’idée de cette rubrique, je commence par une citation extraite de son essai « Petite métaphysique des tsunamis » (seuil, 2005). Il s’agit d’un paragraphe issu du chapitre « La sacralisation de l’avenir ».

 


  Tsunami

 

« Je fais pleinement mien le constat de Günther Anders : nous sommes entrés sans retour possible dans une ère dont l’horizon est l’autodestruction de l’humanité. (…) Les « gestionnaires du risque » et autres économistes de l’assurance s’effarouchent qu’on puisse mêler dans une sorte de grand cocktail catastrophiste la pollution de l’environnement la dégradation du climat, l’épuisement des ressources fossiles, les risques liés aux technologies avancées, les inégalités croissantes, la tiers-mondialisation de la planète, le terrorisme, la guerre, les armes de destruction massive, et j’en passe. Chaque problème doit être selon eux isolé, décortiqué, analysé pour lui-même, en pesant les coûts et les avantages. Ils ont les yeux tellement rivés sur leurs microscopes qu’ils ne sentent pas que le plancher s’effondre sous leurs pieds. Il faut dire haut et fort qu’une « rationalité » de spécialiste ou d’experts dont le sérieux se mesure à l’épaisseur de leurs œillères n’est pas différente de l’absence de pensée ou de la courte vue dont parle Arendt à propos d’Eichmann. Le premier « risque », tous le disent, est pour une nation ou un peuple de ne pas être « dans la course » que représente la compétition mondiale, comme si l’histoire de l’humanité se réduisait dorénavant à un grand prix de formule 1. Peu importe qu’au bout de la piste on trouve le grand saut dans l’abîme, c’est à qui s’y précipitera le premier. Le nouvel impératif catégorique est la « performance », nous assure un acteur important du capitalisme sans frontière. Carlos Ghosn (Mars 2005) : « Dans ce monde où les frontières s’estompent, un impératif émerge avec toujours plus de force, identique en tout point de la planète : la performance. C’est une langue universelle. Qualité, coûts, délais : elle se parle de la même manière au Japon, en Europe ou aux Etats-Unis. La performance est un devoir ». Cette singerie du discours de la philosophie morale donne la nausée. Pas un moment, ce grand constructeur automobile ne se pose la question suivante : il veut une part plus importante du marché chinois et indien que ses concurrents, c’est cela qu’il appelle la performance, soit. Mais que se passera-t-il lorsque chaque famille indienne ou chinoise roulera sur les autoroutes asiatiques ? Le système climatique mondial n’y résistera pas. Nous le savons à coup sûr. La responsabilité de ce capitaine d’industrie est immense, mais il est incapable de voir plus loin que le bout de son nez. Décidément, Anders à raison : Auschwitz est partout. Quant à ceux qui parlent du « développement durable », ils ne savent pas ce qu’ils disent. Cette expression est une contradiction dans les termes. Qui dit « développement » dit qu’une certaine grandeur croît de façon à peu près exponentielle ; qui dit « durable » ne fixe pas de limite temporelle à cette croissance. Dans un monde fini, c’est une pure impossibilité ». (P 100 – 102)

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10 juillet 2010 6 10 /07 /juillet /2010 18:04

Titre philoEloge de la démotivation 

(Partie 1 - Pourquoi fait-on quelque chose plutôt que rien ?)

 

 

                       Guillaume PAOLI
                                      Lignes, 2008

Notes de lecture

De petites fiches de lectures sans prétention ; mais utiles pour se remémorer les grandes lignes d’un ouvrage. Recopie de passages et synthèse tout à fait subjective.  


 

Rafraîchissant et tonique. Impertinent. Une déconstruction indispensable de ce qui constitue l’ossature de la motivation. A mettre d’urgence entre toutes les mains.  

Voici quelques morceaux choisis du premier chapitre (le livre en comprend 6) ; il y est question de la métaphore de l'âne et de la carotte...

 

Si d’aventure vous vous reconnaissiez malencontreusement dans le portrait fait par Guillaume Paoli du malheureux équidé, rassurez-vous rien n’est perdu ; et la lecture de l’ouvrage vous sera d’autant plus profitable…

 


 

Pour faire avancer un âne, il n’est pas de moyen plus éprouvé que l’usage proverbial de la carotte et du bâton. Notons tout d’abord qu’il est bien question de carotte et de bâton, et non pas de l’une ou de l’autre. Le bâton seul, la contrainte physique, ne suffit pas à provoquer une avancée continue et décidée de l’animal. L’âne battu s’ébroue, il fait bien quelques mètres à contrecoeur, mais cesse de marcher à la première occasion. Tout pédagogue le sait bien, la crainte du châtiment doit être couplée à l’espoir d’une récompense. C’est ici qu’intervient la Démotivationcarotte. Pour commencer, non seulement l’âne doit voir la carotte, mais il ne doit voir qu’elle ; il faut donc faire en sorte que tout autre objet de convoitise disparaisse de sa vue. Cet à cet effet que sont utilisées ces judicieux accessoires que l’on nome œillères. Ce peut être par exemple une idéologie assimilant au mal absolu, ou encore une utopie irréaliste, tout ce qui n’est pas la carotte. Une fois l’attention du baudet captée, tout reste à faire. Car nous sommes encore en présence de deux volontés distinctes. L’âne veut manger la carotte, l’ânier veut faire avancer l’âne. La chose aura d’autant plus de chance de réussir que le sujet sera convaincu  d’agir volontairement et libre de toute influence extérieure. Cette phase d’adaptation est facilitée chez les mammifères d’un naturel plus grégaires que les ânes, mettons des collègues. Evidement il n’est pas question que le but puisse être atteint, sinon l’âne s’arrêterait sur le champ pour jouir du fruit de son effort et toute l’entreprise aurait été vaine. Mais il faut empêcher que l’animal abandonne tout espoir de parvenir à ses fins, ce qui compromettrait tout autant sa marche en avant. La satisfaction doit apparaître comme toujours différée, mais jamais compromise. C’est ici qu’interviennent des consultants en pensée positive qui abreuvent les ânes de maximes comme celle-ci, attribuée à Churchill : « La réussite, c’est la capacité de voler d’un échec à l’autre sans perdre son enthousiasme ». Une fois ce stade atteint, le plus dur est passé. Car on va désormais pouvoir compter sur un autre facteur éprouvé qui se nome la routine. L’animal va continuer sur sa lancée, par vitesse acquise, pour ainsi dire, sans plus se poser la question du pourquoi. Plus exactement, cette question va s’inverser pour lui. Il se demandera : quelle raison aurais-je donc de m’arrêter ? Avouons le, le fait que les ânes se fassent systématiquement berner par des procédés aussi élémentaires ne laide pas vraiment en faveur de leur discernement. Il faut tout de même rappeler, à leur décharge, que jamais on ne vit de syndicat de bourriques manifester en revendiquant « plus de carottes et moins de bâton » !

 

Ce que je viens d’esquisser à grands traits n’est autre que la théorie de la motivation telle qu’elle est distillée dans d’austères traités de psychologie et mise en pratique dans de coûteux séminaires. La motivation est donc la fabrication et la propagation de motifs destinés à faire bouger les gens dans la direction jugée utile, ou pour parler la langue de ce temps : à les rendre toujours plus flexibles et mobiles.

Dans tous les secteurs de la société actuelle, la bataille pour la motivation fait rage. Les chômeurs n’obtiennent un droit à l’existence qu’en fournissant les preuves d’un engagement sans relâche dans la recherche d’emplois inexistants. Lors des entretiens d’embauche, ce ne sont pas tant les compétences qui comptent que l’exhibition enthousiaste d’une soumission sans faille. Le devoir de motivation s’impose tout autant au consommateur, à l’adolescent qui doit se former (formater) selon les exigences du marché… Une fois la télé éteinte, restent encore tous ces artistes qui veulent le faire bouger, les militants qui veulent le mobiliser, le temps et la relation qu’il faut gérer, sa propre image qu’il faut dynamiser…. Que de carottes, pour de si malheureux ânes !

Paoli Guillaume

Les motifs intrinsèques aux individus, auxquels les institutions sociales prétendaient répondre naguère ont été systématiquement anéantis par la colonisation marchande. Dans la sphère de l’emploi, tous les indicateurs témoignent d’une baisse de « l’investissement » des salariés dans leur emploi. Dans la sphère médiatique, l’uniformisation des informations semble provoquer une perte de crédibilité tout aussi globale. Plus la motivation des gens est nécessaire aux marchés, plus elle fait défaut. Parmi toutes les raisons qui y contribuent, le syndrome de l’embouteillage occupe une place de choix. La chose est bien connue : chacun s’est acheté la voiture qui lui promettait la liberté individuelle, vitesse et puissance, pour se retrouver finalement à faire du surplace sur l’autoroute  à cause de tous les autres, qui animés par les même motifs, ont fait la même chose que lui. Il n’est même pas exact de dire à ce propos que nous nous retrouvions dans un embouteillage ; la cruelle vérité, c’est que nous sommes l’embouteillage ! Et ce n’est pas tout, car l’accès à l’embouteillage exige un surcroît de travail toujours plus mal payé. C’est logique : plus de monde se retrouve englobé, moins la part proportionnelle de chacun a de valeur. Le fossé entre la terre promise vue à la télé et l’existence concrète se creuse en conséquence. Désormais, chaque individu soumis au marché reçoit en permanence une double injonction contradictoire : réduis tes prétentions salariales, et augmente ta consommation ; sois créatif, sois loyal et n’oublies pas que tu es remplaçable à merci ; fais valoir ton individualité et fonds-toi dans l’équipe ; jouis et sois abstinent…

 

Beaucoup font le constat de cette crise de motivation pour la déplorer. Je crois au contraire qu’il faut accueillir cet état des choses comme une chance. Qui se défie du train où vont les choses fait bien de ralentir le pas. Qui doute de l’issue de la fuite en avant est avisé de se détourner des carottes agitées devant son nez. Si le développement capitaliste a pour condition primordiale la motivation de ses agents, il est logique de déduire que pour les adversaires et les victimes de ce développement, la démotivation est une étape nécessaire.

 

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3 juillet 2010 6 03 /07 /juillet /2010 17:14

Titre philoUn petit retour sur les sophistes.

L’occasion m’en est donnée par l’excellente émission des " Nouveaux chemins de la connaissance " du 22 juin dernier. Lors d’une semaine consacrée à l’opinion, après la très platonicienne et fort déplaisante Monique Dixsaut, venue pérorer sur " Socrate et l’opinion ", ce fut au tour du philosophe Gilbert Romeyer Dherbey, l’auteur du " Que sais-je ? " dédié aux sophistes - et dont j’ai déjà fait une note de lecture -, de venir nous entretenir l’opinion chez Protagoras et les autres sophistes. Extraits choisis :


 

ProtagorasRE (Raphaël Enthoven) : Hier on en parlait indirectement, en évoquant l’affrontement qui oppose Socrate aux sophistes, présenté par Platon comme une lutte à mort entre les tenants de la vérité et les partisans de l’opinion, du mensonge ou de l’apparence, cette fois ci c’est de l’autre coté des choses que nous allons aller, c’est à dire du point de vue des sophistes (…) et de Protagoras. On ne peux pas parler d’opinion sans parler des sophistes…

 

GRD (Gilbert Romeyer Dherbey) : Absolument. Je dirai tout d’abord que même en ce qui concerne Socrate, il ne faut pas confondre le Socrate historique et le Socrate de Platon. Et sans doute le Socrate historique a été beaucoup moins ennemi des sophistes que Platon ne le prétend. D’autre part, pour beaucoup de contemporains, Aristophane notamment, Socrate était un sophiste. Par conséquent il faut peut être se débarrasser de la trop petite idée que nous avons de la sophistique. Le gros ennui c’est que nous n’avons plus d’eux que des fragments, peut être Platon en est-il partiellement le responsable, mais si nous avions l’œuvre entière, et bien nous nous départirions, sans doute, de cette petite idée que nous avons d’eux, car Protagoras, entre autres, est un penseur de première grandeur.

RE : Justement, nous n’avons que des fragments des sophistes, mais la plupart des commentaires que nous avons sur les sophistes, viennent d’adversaires des sophistes, que ce soit Platon, ou Aristote d’ailleurs…

GRD : Il y a une tradition hostile à la sophistique. Il y a aussi une tradition hostile au platonisme, mais on en parle beaucoup moins souvent. Je crois que peut être la grande erreur a été, chez les modernes, de prendre Platon pour un historien de la philosophie, ce qu’il n’est pas du tout. Il est polémique vis à vis de ses adversaires, et c’est son droit de philosophe. Mais ne le prenons pas pour un historien de la philosophie (…). Donc il faut réviser ce procès qui a été fait aux sophistes. Et je pense que même si les sophistes nous ont laissés que des fragments on peut malgré tout reconstituer une pensée, puisque après tout, les paléontologues reconstruisent bien des squelettes d’animaux préhistoriques à partir d’ossements (…).

RE : Mais faut-il effectuer ce travail sur les sophistes eux-mêmes, ou faut-il assumer l’héritage fragmentaire des sophistes, en considérant que finalement que la lecture que les sophistes proposent du monde s’accommode, bien volontiers, d’une restitution fragmentaire de leurs propos ?

GRD : Oui évidement on peut toujours dire que, par exemple, c’est très heureux que nous n’ayons que des fragments d’Héraclite, et que si nous avions le texte complet nous serions tout à fit déçus, par rapport au caractère fulgurant des ces fragments. Mais il n’empêche qu’ils n’ont pas été écrits comme fragments. (…)

RE : " L’homme est mesure de toutes choses. De celles qui sont en tant qu’elles sont ; de celles qui ne sont pas en tant qu’elles ne sont pas ". Le lieu commun, à partir de là, c’est de dire que pour Protagoras, les choses valent relativement à la perception qu’un homme peut en avoir. Et au fond, il faut opposer ce point de vue subjectiviste, à l’objectivité d’un Platon qui dira que Dieu est la mesure de toutes choses.

GRD : En ce qui concerne le problème des dieux, l’opposition entre Protagoras et Platon est Anthropos metronfrontale. Mais j’aimerai rajouter un troisième point de vue (…) car il y a trois moments dans la pensée de Protagoras, et qui ne doivent pas être mélangées, et on ne doit pas en changer l’ordre. En premier, chez lui il y a ce qu’il appelle les antilogies. C’est à dire que sur toutes choses, dit-il, et cela nous plonge dans cette problématique de l’opinion, il y a deux discours contraires. (…) Un exemple : Protagoras est le défenseur de la démocratie, et cette dimension politique est extrêmement importante. Il est l’ami de Périclès, le grand leader de la démocratie Athénienne. Un jour ils discutent une journée entière sur le problème suivant : un homme qui s’appelait Epitime de pharsal, a été tué accidentellement aux jeux olympiques par le jet d’un javelot. Et ils ont discutés toute une journée pour savoir qu’elle était la cause de la mort d’Epitime. Est-ce que c’était le javelot ? Est-ce que c’était le lanceur du javelot, ou l’organisateur des jeux ? Vous me direz que c’est un peu ridicule de dire le javelot, mais pas du tout, parce que pour le médecin, par exemple, la cause de la mort d’Epitime c’est bien le javelot. Ensuite le lanceur du javelot, c’est évident. L’organisateur aussi. Et alors dans quelle mesure, justement, sont-ils cause ? Et qu’elle est la cause ? Par conséquent il est difficile de répondre, voire impossible de répondre, de façon univoque, et nous sommes toujours en face d’expériences qui sont scindées. Et ça c’est très profond pour l’hellénisme. Regardez la tragédie grecque, c’est justement ce déchirement : entre deux positions, entre deux choix, deux attitudes, qui sont valables toutes les deux. (…) Si c’était, par exemple, Antigone qui avait parfaitement raison et Créon totalement tort, il n’y aurait pas de tragédie.

RE : On retrouve cette ambivalence dans la personne de Socrate lui-même… (…)

GRD : Que Socrate soit profondément ambigu, cela est sûr. D’ailleurs je rappelle que d’après les témoignages des anciens, et bien Socrate lisant un dialogue de Platon avait dit qu’il ne se retrouvait pas du tout dans ce qu’on lui faisait dire. De même Gorgias, ayant lu le Gorgias dit que Platon est un nouvel archiloque, c’est à dire quelqu’un qui fait de la poésie satirique, qui se moque. Donc il n’est pas objectif.

RE : Revenons-en à " l’anthrôpos metron ". Dans le Théétète, dans le Protagoras, Platon s’en prend explicitement à cette position. Dans les lois, Platon dit : " en réponse à Protagoras, le dieu est la mesure de toutes choses ". Il faut examiner les termes de ce débat. Dans qu’elle mesure réhabiliter l’infâme position perspectiviste de Protagoras, qui semble à cet égard déconstruire toute possibilité de science ?

GRD : (…) Protagoras essaye de sortir de ce monde de l’antilogie, et il cherche un stabilisateur. Et l’un d’entre eux est l’homme essentiellement. (…). " L’homme est mesure de toute chose " : cette phrase est profondément ambiguë finalement, car on se demande qu’elle est l’extension exacte de ce terme anthrôpos. Platon dans le Théétète commence par l’interpréter comme désignant l’individu, la subjectivité individuelle pure. (…) Et Socrate d’écraser facilement Protagoras en disant, " mais la sagesse Protagoras, elle n’est pas plus grande que celle d’un têtard de grenouille, car finalement pourquoi privilégier la sensation de l’homme et pas de la grenouille ". (…) Ce qui est étonnant, c’est que Platon lui-même, à la fin du texte consacré à Protagoras dans le Théétète, revient sur cette interprétation en disant : " Mais si Protagoras était là, il nous dirait que vraiment on se moque du monde en lui reprochant cela, que ce n’est pas cela qu’il a voulu dire ". Et par suite anthrôpos, peut tout à fait dire homme, en tant que genre Socratehumain. Donc quelque chose qui a une universalité. Alors la critique ensuite s’est déchirée entre ceux qui disaient, l’homme c’est l’individu, et par conséquent Protagoras c’est une école de relativisme septique, et on trouve ça encore jusqu’à chez Husserl tardivement, et d’autre part, ceux qui disent : " mais non c’est le genre humain ", par conséquent il y a une objectivité possible, puisque la structure de la raison humaine est identique, et que par conséquent la dessus on peut élaborer une science. Comme Hegel, je pense qu’il y avait sans doute ces deux sens. Mais Hegel dit, que c’est parce que Protagoras n’était pas encore assez évolué en philosophie pour faire cette distinction. Là je suis réticent, et je pense que ce n’est pas parce que Protagoras n’était pas assez malin, mais parce qu’il l’a fait exprès. (…) Il y a une ambiguïté qui est voulue avec une progression dialectique entre ces deux sens. C’est à dire, on part de l’homme individuel, avec chacun son opinion, et puis on arrive à l’homme universel, ou du moins l’homme en général. Et on passe de l’un à l’autre. En effet, l’opinion individuelle est une opinion faible, puisque je suis tout seul à la partager (…). Toute l’histoire de la culture, de l’éducation, puisque le sophiste est un éducateur des hommes, dit Protagoras, vise à faire passer de ce qui est radicalement individuel, à une opinion partagée. Finalement c’est ça la culture, même si on l’accuse de raboter les différences, mais je pense qu’elle fait bien. Si chacun s’enferme dans sa différence radicale, il n’y a plus aucune vie sociale possible.(…) Il s’agit de trouver un consensus, et c’est le problème de la démocratie qui a remplacée le combat armé, la guerre civile, par l’espace de l’assemblée du peuple où on échange des arguments et non pas des coups. (…) Il s’agit de partir d’une individualité qui peut partager un certains nombre d’opinions avec celles des autres ; et se mesurer à elles de manière non pas violentes. Donc metron, la mesure ici est quelque chose de très important, car ce que les grecs appelaient l’hubris, la démesure, et qui ruinait toutes les cités, or l’orgueil de l’homme est démesuré, c’est pourquoi il est condamné. Vouloir une mesure, c’est vouloir détruire cet hubris, qu’il faut, comme disait Héraclite, fuir plus qu’un incendie.

RE : Pour ¨Platon la politique doit être l’affaire des experts. C’est le fameux mythe du philosophe roi. Pour Protagoras il y a des experts en matière scientifique, mais il n’en est pas en matière politique…

GRD : Cette distinction est absolument centrale. On voit effectivement, dans Xénophon par exemple, Socrate sans arrêt prend l’exemple du bon artisan auquel il faut se fier. (…) Quand on prend le bateau, on choisis le meilleur pilote possible, et c’est à lui qu’on remet sa vie. Si on veux de bonnes chaussures, on s’adresse au cordonnier. Etc. Pour la politique c’est la même chose, pensait Socrate, et pensera encore beaucoup plus fortement Platon. (…) Protagoras montre que l’homme ne peut vivre en société que s’il a cette vertu politique, qui est faite de la justice et de ce que je traduits par la vergogne (aidos). Cet art politique Zeus l’a donné à tout le monde. S’il ne l’avait pas fait aucune cité, aucune vie sociale n’aurait été possible.

RE : Platon hostile aux sophiste, présente toujours les sophistes comme dépourvus des vertus qui font l’art politique, c’est à dire des hommes sans justice et intéressés, puisqu’ils se faisaient payer, c’est le prolétariat des lettres, c’étaient des professionnels au fond ; ils étaient donc saisis par la vénalité et ils n’avaient aucune scrupule…

GRD : Juste deux mots pour quand même protester contre le reproche qu’a fait Platon aus sophiste qu’accepter ce qu’on appelait le mistos, c’est à dire le salaire. J’ai enseigné 46 années de ma vie, je me suis fait payer et je ne pense pas être coupable de vénalité. C’est pourquoi le reproche de Platon est de mauvaise fois. Je rappelle qu’un socratique, c’est à dire, Aristippe, lui aussi acceptait le mistos. Mais il fallait bien qu’ils vivent. Platon était un grand aristocrate, il était riche et il n’avait pas besoin de ce salaire.


 Lien vers l'émission :  

http://www.franceculture.com/emission-les-nouveaux-chemins-de-la-connaissance-l-opinion-sur-rue-25-l-opinion-de-protagoras-2010-0  

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20 juin 2010 7 20 /06 /juin /2010 15:08

Slavoj ZizekBillet inspiré par le fait d’un  double hasard :

 

De tradition familiale (tradition récente, puisque initiée par mes soins il y a de cela quelques années) chaque dimanche je me trouve dans notre laboratoire culinaire à m’escrimer, non sans une certaine délectation, avec les lois de la gastronomie profane. Aujourd’hui, le sujet proposé était : « Le poulet à L’espagnol », avec, parmi les ingrédients obligatoires, olives noires, poivrons rouges, ail et chorizo. En fond sonore, un podcast « choisi » ; et cette fois, premier hasard, une émission des « Nouveaux chemins de la connaissance » avec pour sujet « La fin de l’histoire », avec l’excellent et très pertinent Jocelyn Benoist, venu nous parler de Helgel, Fukuyama et autres thuriféraires iréniques de l’absurde rêve d’un monde occidentalo-centré et gélifié dans la consommation. « Il y a tout de même quelque chose de très choquant dans ce diagnostique, dit Jocelyn Benoist en réponse à Raphaël Enthoven qui trouvait les prophéties de Fukuyama très bien vues, puisqu’on nous parle par exemple de la satisfaction de consommateurs sophistiqués. Je pense que la fraction mondiale que ça concerne est extrêmement limitée. Il y a une forme de cécité dans cette analyse, à ce qu’est la réalité massive de notre monde d’aujourd’hui. A savoir, peut être l’ennui pour certains mais le désespoir pour beaucoup, et même pour la majorité ».

 

L’émission finie, le repas pas encore tout à fait prêt, je feuillette quelques pages du « Philosophie magasine » de mai dernier et tombe, second hasard, sur un dialogue entre Slavoj Zikek et Isabelle Huppert (il me faut quelque chose de léger, lisible d’un œil – l’autre étant rivé sur l’évolution de la cuisson). J’y relève la phrase suivante ; une répartie qui n’a l’air de rien, mais qui se révèle d’une efficacité particulière pour saisir la logique de ces cohortes experts pixélisés à géométrie variable, dressés pour lobotomiser les foules (les plus en vue de cette engeance étant les sinistres Sieurs Minc et Attali) :

« Paradoxalement, on moque Francis Fukuyama, qui a annoncé « la fin de l’histoire » au sens Hégélien, sans voir que tout le monde est devenu Fukuyamiste. La gauche elle-même ne rêve plus que de capitalisme global à visage humain. Plus personne ne remet en cause le système. Lé démocratie libérale capitaliste offre-t-elle cependant un cadre adéquat pour résoudre les problèmes liés à l’écologie, à la biogénétique, aux nouvelles formes d’apartheid social ? Je ne le crois pas ».

 Fukuyama

Pour conclure cet impromptu de midi, toujours Jocelyn Benoist : « Parlons des philosophes, des analystes ; ceux qui se situent au plan purement conceptuel : ce qui me frappe c’est que leurs descriptions des faits sont souvent extrêmement misérables. Prenons l’exemple de Fukuyama : dans le livre qu’il a tiré de l’article, lorsqu’il a systématisé son propos, il dit bien :oui, on remarque des poches locales de résistances (…) certains espaces relativement marginaux ne participent pas à cet accomplissement historique’ (…) Ce qu’il diagnostique en réalité c’est le phénomène qui commence à ce faire jour à ce moment là, la montée des intégrismes, et finalement l’apparition d’un certain nombre de résistance à cette tendance.  Il me semble tout de même que vingt ans après, pour le coup ce diagnostique appellerait une sérieuse révision, parce qu’il est très difficile de traiter ces phénomènes comme de simples phénomènes locaux. C’est en un sens l’envers de ce qu’il avait diagnostiqué comme fin de l’histoire ».  

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16 juin 2010 3 16 /06 /juin /2010 21:35

Université tous les savoirs - LienJ’ai repris ici, en guise de notes de lectures, quelques extraits de la conférence de François Jacob donnée le 1er janvier 2000 dans le cadre de " l’université de tous les savoirs ".

 

A propos de " l’université de tous les savoirs " :

Un cycle de 366 conférences, commencé le 1er Janvier 2000 (…) Ces conférences, données chaque jour au Conservatoire national des arts et métiers, y compris les samedis, dimanches et jour fériés, portent sur les sciences, les techniques, les sociétés, les productions de l’esprit et les cultures, et leurs enjeux contemporains ". (Yves Michaud)

Le texte de la conférence de François Jacob ouvre le premier volume regroupant les 40 premières leçons de " l’université de tous les savoirs " .


 

Qu’est-ce que la vie

Collectif – Université de tous les savoirs

 

2000


  François Jacob - Qu’est-ce que la vie ?

 

Cellule humaineCette question me paraît d’autant plus appropriée qu’elle n’a pas de réponse. Si chacun parle de la vie en relation avec la mort, rares sont ceux qui en parlent en relation avec les choses inanimées. La division entre vivant et non vivant est relativement récente. Jusqu’à la fin du XVIIIe siècle, on étudiait les animaux et les plantes. On le classait. On faisait de l’histoire naturelle.

C’est seulement au début du XIXe siècle que plusieurs auteurs, dont Lamarck, s’intéressent aux propriétés des être vivants, par opposition aux objets inanimés et utilisent le mot biologie. Longtemps on pensait que la " matière vivante ", comme on disait alors, différait de la matière ordinaire par une substance ou une force qui lui donnait des propriétés particulières. En réalité la vie est un processus, une organisation de la matière. On peut chercher à établir la ligne de démarcation entre vivant et non vivant. Mais il n’y a pas de " matière vivante ". Il y a de la matière qui compose les êtres vivants et cette matière n’a pas de propriétés que n’auraient pas ce qui compose les corps inertes.

Le premier coup a été porté au vitalisme par les chimistes. La fin du XIXe siècle a été pour la biologie une période d’exceptionnelle fécondité. C’est l’époque des grandes théories :

  •   * La théorie des germes de Pasteur. (Mise en évidence du rôle de ces petits êtres vivants dans la maladie de l’homme et des animaux ainsi que dans certaines industries, comme celles du vin et de la bière).

  •  

      * La théorie cellulaire avec Schleiden chez les végétaux et Schwann chez les animaux. Tous organismes sont faits de cellules. La cellule est l’unité du vivant. C’est le plus petit élément ayant toutes les propriété du vivant.

  •  

      * La théorie de l’évolution de Darwin. Le monde vivant tel que nous le voyons autour de nous, y compris nous-même les humains, est le résultat de l’histoire de la Terre. Les espèce dérivent les unes des autres par le mécanisme de la sélection naturelle. En fin de compte, tous les êtres vivants descendent de un – où d’un très petit nombre – d’organismes initiaux.

  •  

 Au début du Xxe siècle se sont développées deux disciplines nouvelles : la biochimie et la génétique. La biochimie cherche à analyser les constituants et les réactions de la cellule. On constate que celle-ci est formée de molécules de deux types : des petites et des grosses molécules. Dans les petites, chaque réaction est catalysée de manière spécifique par un enzyme particulier. Dans les grosses molécules, ce sont des polymères formés par la répétition d’une même réaction. Il existe deux sortes de polymères qui jouent chacun un rôle primordial dans la cellule :

  •   * les acides nucléiques qui sont de deux type. L’ADN qui assure la conservation et la reproduction de l’information cellulaire. L’ARN qui sert surtout aux transferts d’information.

  •  

      *Les protéines qui sont des polymères d’acides aminés dont il existe vingt sortes. Les protéines servent à déterminer les structures de la cellule et à former les enzymes, les catalyseurs des réactions chimiques.

  •  

L’autre domaine nouveau est la génétique. Les travaux de Mendel publiés dans les années 1860 ADNsont " redécouverts " au début du Xxe siècle par plusieurs biologistes simultanément. Ils conduisent à l’idée que le " caractère ", ce qu’on voit, est sous-tendu par une " particule " qu’on ne voit pas, qui est cachée au cœur de la cellule. Cette particule a été appelée " gène ". Et plus nous en avons appris, plus il est apparu clairement que les gènes se situent au cœur de toute cellule, de tout organisme, que la génétique sous-tend toute la biologie.

L’arrangement linéaire des gènes sur un chromosome et la première carte génétique furent publiés en 1913. A la fin des années 1930 l’analyse génétique a été étendue aux microorganismes. Elle a permis de déceler des gènes déterminant les réactions biochimiques. Pendant toute cette période, les gènes apparaissent comme " des êtres de raison ", des structures imaginaires requises pour rendre compte des faits connus. Avec les travaux montrant que c’est l’ADN qui est porteur des traits héréditaires chez les bactéries et les virus, le gène jusque là pure construction mentale, commençait à prendre consistance.

 

On s’est longtemps demandé si les virus étaient vivants. Aujourd’hui la réponse est clairement non. Ce ne sont pas des organismes vivants. Placés en suspension dans un milieu de culture, ils ne peuvent ni métaboliser, ni produire ou utiliser de l’énergie, ni croître, ni se multiplier, toutes fonctions communes aux être vivants. Ils ne peuvent se multiplier qu’au sein d’une cellule où ils ont pénétrés par infection, en utilisant à leur profit l’équipement enzymatique de la cellule.

 

La biologie moléculaire est longtemps restée confinée à l’étude des bactéries et des virus. Puis peu à peu on a trouvé les moyens d’en couper les longs filaments en des points choisis, d’en raccorder les fragments, d’en insérer des segments dans un chromosome. Toutes ces manipulations connues sous le nom de génie génétique.

Aujourd’Hui, un étudiant apprend en quelques semaines à découper en morceau le génome de n’importe quel organisme. Bref, il apprend à bricoler en laboratoire comme un vulgaire moteur de 2 CV, la molécule même de l’hérédité. La stupéfaction a été de constater que les chromosomes, ces structures naguère encore considérées comme pratiquement intangibles, sont en réalité l’objet de remaniements permanents… Notre présence sur terre est le résultat d’un immense bricolage cosmique. Progressivement il est ainsi apparu que tous les animaux, tous les êtres vivants sont apparentés à un point naguère encore insoupçonnable.

Génome - AdnLe bricolage moléculaire ne se fait pas à partir de rien. Il fait du neuf avec du vieux : c’est par duplication successives que se sont formées les nombreuses familles de gènes. Le second mode de production des gènes découle du réassortiment de fragments préexistants pour former des gènes mosaïques. C’est donc une combinatoire d’éléments en nombre limité qui produit une énorme variété de structures pour former les principaux constituants cellulaires. Ce qui distingue un papillon d’un lion ou d’une poule, c’est moins une différence dans les constituants chimiques que dans l’organisation et la distribution de ces constituants. Dans la nature, la complexité naît souvent d’une combinatoire : combinatoire de particules pour former les atomes, combinatoire d’atomes pour former les molécules, combinatoires de cellules pour former les organismes. C’est aussi le processus qui sous-tend la formation des gènes et des protéines : combinatoire de fragments (un petit nombre de fragments d’ADN suffit ainsi à former un nombre considérable de gènes. Qui eût dit que les gènes qui mettent en place le plan d’un être humain sont les mêmes que ceux fonctionnant chez une mouche ou chez un ver ? Il faut admettre que tous les animaux existant aujourd’hui sur cette terre descendent d’un même organisme ayant vécu il y a 600 millions d’années et possédant déjà cette batterie de gènes.

 

Comment s’est produit le premier organisme vivant ? On estime aujourd’hui que la Terre s’est formée il y a 4,5 milliards d’années. Le vivant semble être apparu assez vite, probablement moins d’un milliard d’années après la formation de la Terre, sous forme de ce qu’on pourrait appeler une " protobactérie ". Quand on considère l’origine de la vie, il faut admettre que, en quelque 8 ou 900 millions d’années, des milliers d’événements se sont succédés pour permettre le passage d’une Terre sans vie à la vie d’un monde à ARN puis un monde à ADN.

La science a depuis un ou deux siècles considérablement réduit ses ambitions par les questions qu’elle pose et les réponses qu’elle cherche. Au lieu de se demander : " comment l’univers a-t-il été crée ? De quoi est faite la matière ? Qu’est-ce que la vie ? ", on a commencé à se demander : " Comment une pierre tombe ? Comment l’eau coule-t-elle dans un tube ? Quel est le cours du sang dans le corps ? ". Ce changement a eu un résultat surprenant. Alors que les questions générales ne recevaient que des réponses limitées, les questions limitées se trouvèrent conduire à des réponses de plus en plus générales. C’est pourquoi on n’interroge plus la vie aujourd’hui dans les laboratoires. On ne cherche plus à en cerner les contours. On s’efforce seulement d’analyser des systèmes vivants, leurs structures, leurs fonctions, leur histoire ".


  

 

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8 juin 2010 2 08 /06 /juin /2010 21:06

Entretiens - A voix nue.

 

Je suis tombé par hasard sur une très belle série d’émission en compagnie du botaniste Francis Hallé. C’était un soir, la troisième semaine de Mai…Ecoutant tout d’abord d’une oreille distraite, vaquant à des occupations de préparation culinaires ; puis tendant l’oreille… Et très vite sous le charme. Subjugué enfin…

Si j’avais entendu parlé de ces fameux " radeaux des cimes ", et que mes souvenirs anciens j’aurai bien été incapable de mettre un nom sur l’auteur d’une telle fantaisie… Mais au-delà du botaniste, Francis Hallé à l’œil et le cœur d’un poètes. Une sensibilité et une acuité à même de transmettre sa passion… Un esprit singulier et personnage atypique… Un franc parler ; des mots simples pour dire des choses d’une profondeur magnifique.

 


EMISSION 1      

Le radeau des cimesNaissance d’une vocation

 

Durant ses études à la Sorbonne, sur le balcon de sa chambre il y avait un pot de fleur dont il ne s’était jamais occupé. Elle a grandi à donnée des fleurs, puis des fruits. Personne ne s’en était occupé. Elle se débrouillait parfaitement seule. Cela lui apparut magique… Et c’est ainsi qu’il devint botaniste… Mais au lieu de me perdre en de sèches paraphrases, immisçons nous en cet entretien, et écoutons plutôt ce poète des arbres et des plantes nous transmettre sa passion toujours intacte… Ce ne sont ici que des moments glanés au fil de la conversion.  

 

Arbres souterrains

J’ai vu les plus belles plantes du monde et c’est une source ininterrompue de surprise et d’admiration. Je suis allé récemment en Argentine et j’ai des choses que je ne pouvais pas imaginer. Des arbres souterrains. Ca se présente comme une grande tache des feuilles ; des feuilles et des fleurs qui sortent du sol, c’est tout. Lorsque le feu passe, parce que ça brûle chaque année, il n’y a plus rien. C’est l’hiver. Dès que les pluies arrivent les feuilles ressortent. L’arbre il a grandi un peu. Quand on mesure à quelle allure la tâche s’élargit, on peu calculer l’âge de cet arbre. C’est des milliers d’années ! Des très gros arbres souterrains. Alors moi qui m’étais donné beaucoup de mal pour faire une définition de l’arbre, je peux vous dire que tout s’écroule. "  

 

Qu’est-ce qui vous a fait pencher pour la botanique tropicale ?

Tout simplement parce que c’est dans les tropiques humides, autour de l’équateur, qu’il y a l’énorme majorité des plantes du monde. On a démontré après que tous les grands groupes de plantes, que ce soit les fougère, les graminées ou les orchidées, c’est né sous les latitudes équatoriales. Et puis, il y a celles qui ont dues restées et qui y sont toujours, et puis quelques plantes, qu’on pourrait dire aventureuses, qui se sont avancées en Europe, et même jusqu’au cercle polaire. Mais c’est une petite minorité. (…) Je vais me permettre un métaphore musicale : imaginez un énorme orchestre qui joue sous l’équateur. Quand vous êtes sous l’équateur vous êtes aux premières loges, vous en profitez pleinement. C’est la faune et la flore. Et puis ici, en prêtant l’oreille, vous entendez du coté du sud un écho très très assourdit. C’est ça qu’on a comme faune et comme flore ici, c’est trois fois rien. Alors c’est sympathique, j’aime bien les plantes d’ici, mais il faut les comprendre comme des émanations très lointaines d’un énorme origine équatoriale ".    

 

Le métier et les études de botaniste

Dans les années 1990, les études de botanistes ont été supprimées en France. A l’université il n’y a plus de botanique. Il y a encore des travaux sur les plantes, mais c’est très spécialisé ; il faut avoir acquis ailleurs la formation de botaniste. Je trouve ça scandaleux. La botanique n’a pas déméritée, nous avons en France, et notamment à Montpellier, une tradition botanique très ancienne et très vénérable. Je pense que le ministre a été mal conseillé. (…) C’est très grave erreur, et c’est d’autant plus ridicule que a peu près vers la même époque le grand public a commencé à se passionner pour la botanique."  

 

Le sous bois dans les forêts équatoriales (différence forêt primaire et forêt secondaire).

Ce qui frappe c’est que c’est extrêmement sombre. 0,1% de l’éclairement total. C’est à dire Radeauque c’est comme dans une cave. L’œil s’habitue, mais c’est vraiment très sombre. Une autre chose qui frappe, c’est que c’est totalement calme. Vous levez les yeux, vous voyez la cime qui se balance, donc il y a un alizé très fort la haut, à 50 mètres au dessus de vous, mais là ou vous êtes, vous allumez une cigarette, vous voyez la fumée qui monte tout droit : pas un souffle. C’est compréhensible, il y a une rugosité la dedans qui fait que le vent décent pas au niveau du sol. Qu’est-ce qui frappe aussi ? Les sons. D’ailleurs votre propre voix vous ne la reconnaissez pas. Parce que vous êtes entouré de pleins d’obstacles physiques, sous forme de feuilles ou de branches, et quand vous parlez vous vous dites : mais tiens, qui est-ce qui parle ? C’est pas votre voix. C’est très curieux. Si on est perdu, bon ça c’est pas drôle, mais quand on veux se faire entendre de loin il faut pas crier, parce que ça passe absolument pas. Trois mètres plus loin on ne vous entend plus. Il faut prendre un madrier et taper sur un contrefort. Il faut faire un bruit très sourd, ça s’entend à des kilomètres. Parmi les choses qui frappent aussi, on ne voit pas en faisant un d’animaux. On sait qu’il y’en a. D’ailleurs de temps en temps on sent une bête qui s’enfuit à toute allure en faisant un bruit de feuilles mortes, mais on les voit pas. Alors en regardant de près un tronc d’arbre on s’aperçoit qu’il y’en a plein. Mais ils sont verts ou brun et ils ne bougent pas. Et nous on est sensibles aux mouvements. Si l’animal ne bouge pas, on ne le voit pas. C’est pas du tout dangereux, on y est très bien…. (…) Parmi les idées fausses : dans les belles forêts primaires que j’ai visitées, vous pouvez courir, vous pouvez faire du vélo. Les seuls obstacles sont des bases de troncs énormes, mais sinon le sol est nu. Ca c’est les forêts primaires, attention que ça se fait très rare. C’est une forêt qui n’a pas été abîmée par l’homme, ou alors si elle l’a été, il s’est passé un nombre de siècles suffisants pour qu’elle redevienne primaire : c’est de l’ordre de 7 ou 8 siècles. De temps en temps un arbre tombe, c’est important de le savoir. Il n’y a besoin qu’il y ait du vent. L’arbre tombe : qu’est-ce qu’il lui est arrivé ? il est investi par une liane qui grandit à toute allure, et puis d’un coup, crac, le poids est excessif et l’arbre tombe. C’est ça les dangers. Mais les animaux pas du tout. Les animaux on est très content de les voir. Il n’y a pas d’insectes dangereux. Dans les forêts primaires y a pas vraiment de danger. (…) Vous pouvez toujours regarder ce qui se passe en haut, là c’est très très curieux. Parce qu’en haut on voit les arbres qui bougent, on voit la faune, très mobile, très brillante. On voit les fleurs, on s’aperçoit que c’est couvert de fleurs, elle sont tout simplement pas en bas, elle sont en haut. Elles sont en haut. Et donc il faut aller en haut. Moi je suis mon idée. Je tiens à voir l’endroit ou il y a le plus de vie sur terre, et maintenant on je sais : c’est les canopées de ces forêts là (…) Le sous bois : pour en profiter pleinement il faudrait faire un mètre par heure. Ceux qui commencent à faire du jogging là de dedans ils voient rien, ils sortent en disant : y a que de la salade verte, ça n’a aucun intérêt. J’en ai vu beaucoup beaucoup. Plus vous allez lentement, plus vous allez voir de choses. Il faut retourner les feuilles, il faut écarter les feuilles mortes, il faut regarder partout. Il faut faire le tour des tiges et des petits troncs. C’est passionnant mais il faut aller très très lentement. Il y a des gens qui exècrent ces forêts. Une chose me frappe, c’est que dans les films grand public, (…) la forêt qu’on vous montre, c’est pas la forêt primaire. C’est la forêt secondaire. Canopée déstructurée, beaucoup de lumière au sol. Evidement des plantes qui poussent, car il fait chaud et humide. Et là vous êtes obligé de tailler votre route à la machette et puis vous avez des insectes en permanence. C’est pas du tout agréable. En plus ça n’a aucun intérêt économique, et sur le plan biologique y a beaucoup moins d’espèces, c’est beaucoup moins intéressant. C’est ça qu’on nous montre au cinéma. J’insiste sur le fait qu’il y’en a deux. La primaire qui est la vraie, hélas il y’en a plus beaucoup, et puis la secondaire, qui est celle que laisse l’homme une fois qu’il a tout… je suis pas tendre pour le travail des êtres humains dans les forêts tropicales, c’est franchement moche !

 

Le sous bois la nuit

Ca vaut le coup de voir le sous bois la nuit. Il faut se jeter à l’eau, si je puis dire. J’aime bien. Sortir à 3 heures du matin sans lampe. C’est un spectacle étonnant ! D’abord vous avez un concert de tous les animaux. Le concert démarre quand le soleil tombe. Pendant la nuit c’est extraordinaire. Cependant ce concert il est la haut, il est pas au niveau du sous bois, il est dans la canopée, mais enfin on l’entend très très bien. Et puis il y a des lucioles ; des paquets de lucioles qui clignotent partout en volant. Et puis sur le sol vous voyez, en belle forêt primaire, là où le sol est bien dégagé, vous avez des champignons phosphorescents sous formes de grandes lueurs mauves ou orangées, et ça se déplace, c’est pas stable. Ca s’éteint là, ça s’allume là, ça pulse. C’est très très curieux. "  

 

L’aube

Il y a ce que les anglais appellent ‘dawn corress’. Le concert s’arrête et c’est uniquement les oiseaux…Toute la faune d’oiseau se met à chanter ".

 

Sur la littérature scientifique contemporaine (botanique)

Vous envoyez à une revue un travail scientifique. S’il y a la moindre allusion à ce que vous disent vos sens le papier sera refusé. Ce que nous disent nos sens, c’est considéré comme totalement subjectif, donc entaché de risque d’erreur, et puis à la limite c’est pas de la science. C’est de la poésie, c’est de la philosophie, c’est tout ce qu’on veux. Alors je me bats contre ça. Parce que quand je suis dans une forêt équatoriale, il y a que ce que me disent les sens. Y a rien d’autre. Dans un premier temps, c’est ce que je vois, ce que je sens, ce que j’entend, c’est ça qui compte. Le résultat c’est que les beaux livres consacrés aux forêts équatoriales, je les trouve assez nuls, parce qu’il y a rien de sensuel là dedans. Attendez, pour identifier les arbres, on voit pas les feuilles, elles sont trop haut. Donc on fait une petit blessure avec un couteau, on met l’oreille dessus, la plupart ne font pas de bruit, faut reconnaître, mais de temps en temps il y’en a un qui fait comme un soda, vous entendez les bulles… Ca ça nous permet d’identifier les arbres. On sent l’odeur de la coupe. Alors ça, c’est un excellent critère, mais seulement les odeurs c’est curieux, vous pouvez pas les décrire, vous pouvez juste procéder par comparaison (…) On est obligés de procéder comme ça. Et ça marche. Et c’est très stable, vous retrouvez le même arbre le lendemain, il sent la même chose. Alors quand les revues scientifiques nous censurent parce qu’on fait état du témoignage de nos sens, je me dit qu’ils sont complément à coté de la plaque. Dans un labo, oui. Mais pas en forêt. (…) Il y a un coté faux cul là dedans… Il ont qu’à y aller ils verront bien

 


EMISSION 2

 

Biodiversité

Dans notre connaissance collective de ce qu’on appelle la biodiversité, il y a une date critique : c’est 1982. Avant 1982 vous demandiez à un naturaliste combien d’espèces il y avait sur la terre et il aurait dit, 3 millions. En 1982 un collègue que je connais bien, Terry Erwin, a fait les premiers travaux de dénombrement des insectes dans une canopée tropicale. Il mettait au niveau du sol un espèce de canon envoyant du gaz toxique, qui montait jusque dans le haut des arbres, et donc les insectes étaient tués et tombaient sur le sol. C’est pas une méthode très élégante, mais quoi qu’il en soit, en faisant ce travail là en un point A puis en allant le faire à un point B à 100 mètres de là, il s’est aperçu que les espèces n’étaient pas les même. Donc ça a fait la base d’un calcul, et en 1982 notre biodiversité terrestre est passée de 3 millions à 30 millions. Un facteur 10. Juste pour quelques heures de travail dans une canopée de forêt équatoriale. Et puis il y a tous les insectes qui meurent et qui s’accrochent, donc c’était par défaut. Il n’empêche que c’est à ce moment là que je me suis dit, c’est la haut qu’il faut travailler ".  

 

Le radeau des cimes

 

F-halle.jpgL’affaire a commencée en 1983 (…) Le gros avantage d’un ballon à air chaud, c’est que la sustentation dans l’air ne dépend pas de la propulsion. Même si vous avez une panne de moteur ça va pas tomber (…) C’est silencieux. La faune ne sait pas que vous êtes là. (…) J’ai commencé par faire des vols en montgolfière seule, avec un panier en osier. Je peux regarder les choses mais ça va trop vite. Le pilote me dit : je ne peux pas ralentir, c’est le vent qui me pousse (…) Si tu veux que m’arrête il faut qu’on dégonfle. Bien je luis dit : dégonfle. Ah non, il me dit, ça je peux pas dégonfler l’enveloppe de mon ballon sur des arbres parce que sinon ça va s’accrocher et on ne pourra plus regonfler. Et là il m’a dit qu’il faudrait une espèce de plate-forme qui entourerait notre nacelle, et sur laquelle je pourrais dégonfler. Et la radeau des cimes au départ c’était ça. (…) Au bout d’un certain temps on s’est dits, mais c’est idiot, pourquoi il fat que notre appareil porte 100 kilos de ballons, il ferait mieux de porter 100 kilos de chercheurs. Il vaut mieux que le ballon s’en aille par en haut. Voilà comment c’est né. On a fait un radeau, et quand il est en place le ballon s’envole et nous on monte travailler là. Ca suppose tout de même un moteur, on ne peux pas faire ça avec une montgolfière classique. (…) En 1989 (….) dirigeable à air chaud, il fait plus de 53 mètres de long. (…) Je vous raconte comment ça se passe : On met ça en place au lever du jour. Simplement, au lever du jour à cette latitude là on est dans la brume. On a une bâche plastique qui nous sert de terrain de décollage. On met le radeau sous le dirigeable (…) Il faut avoir volé la veille et repéré les bons endroits avec un GPS très précis. Parce qu’on peux pas se poser n’importe où. Le dirigeable amène le radeau, l’enfonce un peu dans le sommet des arbres et puis il large ses amarres et il retourne au camp. A ce moment là le radeau est à la disposition des scientifiques, il recouvre une dizaine d’arbres, une quinzaine d’arbres, sans compter les lianes et les plantes épiphytes. Sa surface est de 600 m2 pour 600 kg. Un kilo du m2. C’est vraiment rien du tout pour une forêt. Ca nous permet de tenir sur un milieu qui est assez mou, assez souple.

 

Quelle impression dans la canopée ?

" D’abord vous ne voyez pas le sol. Vous êtes dans une lumière énorme. (…) Il y a une métaphore marine qui s’impose. Ca bouge, comme un catamaran en haute mer. On est amarrés en permanence, comme sur un bateau en haute mer, car on n’est jamais sûrs que les branches qui nous portent ne vont pas casser. On ne peux pas vérifier la solidité de tout çà. D’ailleurs y’en a plusieurs qui sont passés par dessus bord. Fort heureusement ils étaient attachés, donc ça s’est terminé en rigolade. On n’a jamais eu d’accident (…) On est très sensibles au vent, et quand il y a un grain qui arrive on dit : ça c’est pour nous. Et puis quand le vent arrive, le truc se met à bouger, ça fait comme une espèce de gros bateau. On se réfugie dans une tente…(…) Vous avez l’impression d’être dans un vieux jardin pas très bien entretenu. Il y a des cimes d’arbres et puis il y a des plantes, des lianes qui poussent comme ça (…) C’est le vrai visage de la forêt, c’est pas du tout le sous-bois.  

 

Le premier choc

C’est drôle de voir les collègues après… Je regardais leur comportement. Ils sortent du trou d’homme et ils sont complètement sonnés. Le gars il s’assoie sur le bord et il essaie de comprendre ce qui lui arrive. Et d’abord il y a cette énorme lumière et puis le vent qui est agréable aussi. Et puis la faune aussi, la faune immédiatement comme des bijoux ; des fleurs partout – c’est ça qui nous manquait en bas. Des odeurs de fleurs indescriptibles. Des roses de juin, de la glycine, des narcisses, et tout ça mélangé. (…) Il faudrait filmer tout ça pendant qu’il est encore temps, pendant qu’il y’en a encore ; parce que la forêt est détruite et que dans les forêts secondaires vous n’aurez pas ça. (…) [Dans la canopée] il y a très grande énergie. (…) La canopée n’est ni hostile ni accueillante. C’est ce qui m’intéresse, elle n’est pas faite pour nous ; elle se moque totalement de la présence de l’être humain. C’est l’altérité. (…) On se fait petit, on essaye de comprendre. C’est d’une complexité monstrueuse. C’est l’endroit au monde où il y a le plus de biodiversité. De très très loin. Même le milieu marin avec les récifs de coraux, ça n’est qu’une toute petite fraction de la biodiversité que nous avons dans la canopée. C’est de l’ordre de 15%. Pas plus ".

 

Ce qu’on fait – entre autre – dans la canopée

On récolte des morceaux pour l’analyse de l’ADN. C’est comme ça qu’on a trouvé qu’il y a plusieurs génomes dans le même arbre. (…) La biochimie nous a beaucoup intéressée. On compare les feuilles du bas de la plante et les feuilles du haut, et il y a, à peu près, cinq fois plus de molécules actives en haut qu’en bas. Il y a plusieurs réponses (à cela) : les animaux sont en haut. 75% de la faune est en haut, et dans ce nombre il y a énormément d’herbivores. Donc au niveau de la canopée les plantes doivent se défendre. C’est des molécules dissuasives. Qui peuvent nous servir de molécules à fonction médicinale. Il y a une toxicité qui à faible dose intéresse les médecins.  

 

Une nuit la haut

Si on a décidé de passer une nuit la haut c’est qu’il fait beau. Donc vous avez le ciel au dessus de vous, sans aucune pollution lumineuse. Vous voyez toutes les étoiles et la voie lactée qui traverse tout ça, c’est absolument génial. Vous regardez au travers du filet et vous avez les lucioles qui clignotent. C’est un spectacle difficile tellement c’est étrange, et tellement c’est beau. N’oubliez pas le concert, qui au début de nuit est à son maximum. Et c’est un concert très étonnant la aussi. Car s’arête d’un coté et ça reprend de l’autre. On a l’impression qu’il y a un chef d’orchestre. Tout d’un coup le vallon devient silencieux et puis c’est la crête qui se met à crier. (…) Et les odeurs aussi… Parce qu’on est entourés de fleurs. C’est pas du tout les odeurs un peu tristouilles du sous-bois, c’est des odeurs magnifiques et la nuit elles sont exacerbées... (…) "

 

Quel pourcentage reste-il de la forêt primaire ?

" Oh, dans dix ans c’est fini ! "


 

 

 

 

 

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30 mai 2010 7 30 /05 /mai /2010 11:48

 

  

Combien de fois n’avons pas entendu cette fameuse litanie : « les jeux vidéos nuisent à la santé »… Les plus doctes évoquent la cyberdépendance, terme introduit pour désigner l'addiction à l'internet. Avec force littératures et vocabulaire scientifiques, jetés en pâture comme autant d’arguments d’autorité, ils s’en veulent persuader le chaland de base à se tenir éloigné de ces créations terribles des temps post-modernes que sont les jeux vidéo. Chacun s’en mêle : psychologues, psychanalystes, associations de parents, mouvements religieux, etc. Tous ont leur interprétation du phénomène. D’ailleurs les enfants et les adolescents ne sont pas les seuls concernés pas ce mal insidieux : qui n’a jamais vu le tableau effrayant de ces adultes si accro à leur jeu favori, qu’ils en oublient de s’occuper, et de  nourrir même leur progéniture, laissée à l’abandon devant leur dernière console, n’a rien vu.   

 

Ainsi, les jeux vidéo feraient courir à tous ceux s’y étant brûlés les mains des risques terribles. Entre autre, ils seraient facteurs de désocialisation, rendraient irritables et violents, conduiraient encore à se désintéresser des activités sociales dites « normales » : l’école, le travail ou la famille.... Bref ça ferait des adeptes des mondes virtuels des victimes à soigner d’urgence. Des « no-life » au sens fort du terme. Ce discours, si bien réglé, nous ferait presque oublier qu’en France, la première source d’aliénation reste la télévision et le sacro-saint journal de 20 heures. Que dire aussi de ces flashs « d’informations » stéréotypées passées en boucle sur les ondes de radios nationales, de la répétition incessante de la valeur des cours de bourse et des chiffres de la croissance matérielle, comme si l’avenir de chacun en dépendait. Qu’on se pose donc la question. Mais là n’est pas mon propos.

 Laaken

Nier que les jeux vidéo puissent conduire à une dépendance ne tient pas la route, chaque joueur en conviendra. Il est évident que tout excès, en quoi que se soit, est toujours facteur d’une possible aliénation. Mais cette tendance à généraliser et diaboliser en particulier les jeux vidéo, pris dans leur ensemble est ridicule, car réducteur. Il y a autant de sortes de jeux vidéo que de types de films. Est-ce pour autant qu’il faut tous les mettre dans le même sac ? D’ailleurs, à l’émergence de chaque nouvelle technologie, c’est bien connu, éclos son cortège de détracteurs ; ces imprécateurs du « c’était mieux avant », ces apôtres de la « défense des valeurs », si prompt à pointer le délitement de la société… Il n’est qu’à songer au leitmotiv (je ne donnerait pas de nom ici) de ceux  qui n’ont de cesse de fustiger la toile et les blogs, y voyant le déversoir de tous les maux de la terre… Jadis, Léon Bloy, s’indignait de l’invention du téléphone en ces termes : « Je prétend qu’il est immoral de se parler de si loin et que l’instrument susdit est une mécanique infernale. J’en appelle aux gens de bonne fois et d’esprit ferme qui en ont usé. (..)Le téléphone est un attentat très grave, puisqu’il avilit la parole même ». Les exemples sont légions. Ce qui est  à l’œuvre ici, c’est cette vielle peur ;  l’éternelle peur devant la nouveauté.

Loin de moi l’idée  de contredire ces « savants » pointant les effets nocifs des jeux vidéo sur nos circuits neuronaux. Je me contenterai de leur opposer d’autres études démontrant des effets contraires. Ainsi, par exemple, des chercheurs et psychologie comportementale et cognitive ont eu recours, avec un certain succès, à des jeux vidéo pour combattre des phobies (peur panique de monter en avion, arachnophobie, agoraphobie, etc.). D’autres études ont montrées que les certains jeux vidéos avaient un effet positif sur les capacités visuelles et motrices (1). Rien n’est simple ni monolithique.   

 

Quoi qu’il en soit, l’heure tourne, et va me falloir m’arrêter ici dans mon élan… L’enjeu de ce court article n’était pas, initialement, d’ouvrir un débat de fond sur le sujet, mais d’apporter la modeste contribution d’un joueur invétéré et qui y a trouvé son compte. Un témoignage vu de l’intérieur en quelque sorte. Cela sera pour une prochaine fois.

 

En guise de conclusion provisoire :

Par les sangs, imaginez l’effroi à évoquer l’état de ma cervelle : j’écoute Marilyn Manson, je côtoie des Gothiques depuis long  et ça fait plus de vingt ans que je m’adonne à des jeux vidéo – pire j’y ai convertis mes enfants ! Et cela fera presque dix ans que je suis adepte d’un jeu de rôle qui prend toute sa dimension en ligne : « Never Winter Night ». C’est un jeu situé dans l’univers « Donjon & dragons ». Joueur, maître de jeu et mappeur… Autant dire que je vois des elfes et des gobelins à chaque coin de rue… Ceci signe sans doute, pour certains, une pathologie monomaniaque. De mon coté, je n’y ai trouvé que des avantages. Je vous en dirai davantage une prochaine fois. En attendant, je ne résiste pas au plaisir de mettre ici le  « trailer » de l’excellent jeu « Dragon age of origin ».

 

Have fun :)

 

 

 


(1)             Un article général d’introduction sur le sujet, pas fait ici : http://www.canardpc.com/article-27-neuroscience_et_jeux_video___2e_partie.html

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29 mai 2010 6 29 /05 /mai /2010 10:21

 

Conche Marcel - Confession...

Marcel Conche, un nom qui m'est apparut sur le tard. Ce que j'en appris alors, c'est qu'il avait donné de très belles traductions des sentences d'Epicure, que par ailleurs il faisait autorité sur Montaigne. Il ne m'en fallut pas davantage pour m'y intéresser. Et si je n’ai pas été tout à fait convaincu par sa prestation lors de l’émission de François Noudelmann, « les vendredi de la philosophie » du 20 juillet 2007 consacrée au châtelain éponyme, je m’imaginais néanmoins, sinon des affinités électives avec sa pensée, ses manières de conduire une existence, du moins quelques sympathies bien affirmées. S'y ajoute la découverte, lors de mes butinages sur la toile, d'une critique fort élogieuse d'un livre rétrospectif sur la vie et la pensée du philosophe ; un essai basé sur le principe d'un échange épistolaire entre un questionneur, son ancien élève André Comte-Sponville et le questionné, notre penseur.


 

 

« André Comte-Sponville a voulu aller à ce qui lui semblait essentiel, et ses questions ont été judicieusement choisies pour m'amener à parler à cœur ouvert ». Ainsi, ces confessions dessinent un portrait en creux et Marcel Conche y livre ses « 'convictions vécues', essentielles » et il insiste, non ses opinions «  qui peuvent varier en fonction de mon humeur ». Aux quelques repères biographiques, essaimés ici ou là, se font voir des lignes directrices, des non-dits qui affleurent la surface paisible de l’onde d'une existence bien réglée. Mais qu'il s'agisse plutôt d'un recueil de 'conviction vécues' que d'opinions, ce qui caractérise les confidences de Marcel Conche, c'est qu'elles sont forgées, pour l'essentiel, hors du strict champ philosophique au sens académique du terme. De quoi sans doute mieux appréhender l'homme assis derrière le philosophe : « J'ai été sincère, trop peut-être, mais je préfère une image vraie à une image retouchée et embellie ».


 Emilie et le philosophe

Mon projet initial était une plongée au cœur de ces confessions, pour le moins édifiantes… Et il va sans dire, au gré de ma lecture, que ma réserve est allée croissante, découvrant un solitaire, non par choix mais par résignation, et qui a passé son existence à nier son corps, à refouler ses instincts, ses élans ; un homme qui toute sa vie a bridé ses énergie vitales au nom d’un idéal, d’un souci impérieux de respect de la norme telle qu’il se la représentait. Entre autres stupéfactions : « (...) la raison critique et le souci du rationnel et du raisonnable, voire du ‘convenable’ et du ‘social’, exercent un contrôle si impitoyable sur les produits de mon esprit qu’il en résulte un blocage mental… » (p 48) (1); « Je vis avec, pour compagnie, un horrible manque ; et je ne peux même pas dire que ce manque a été la condition de ma créativité ». (p 31), ou encore : « Parce que Spinoza, Leibniz, Kant, Schopenhauer, Sartre ont fait l’économie d’une vie de famille, et n’ont pas su ce cela signifie avoir une femme et des enfants – des enfants surtout -, bien des choses essentielles leur ont échappé. Sur l’amour, sur le mal ils pensent arbitrairement » (p 23). Ainsi, fallait-il comprendre ici qu'aux yeux de Marcel Conche, une existence non 'simplifiée' implique fatalement la vie de famille et la procréation ? L'argument peut lui être retourné : en quoi la vie d'un tiède, d'un austère, permettrait-elle de bien penser ce qui excède sa routine ? Mais le paroxysme de la stupeur fut atteinte lorsque la causerie aborda le thème du clonage. Je n'y reviendrait pas ici pour ne pas être cruel... Mais sans doute alors, tout à la préparation de ma fiche de lecture, excédé ai-je trempé un peu vite ma plume dans le vitriol. Et me suis-je compromis dans une prose vindicative sous la forme d'une condamnation irrémédiable – péremptoire ; à la hauteur de ma déception... Mais il est dit que la précipitation n'est jamais de bon conseil. Et pour avoir déjà donné dans une maladresse il n'y a pas si longtemps (cf mon article sur Montaigne) dont il faut bien tirer la leçon, j'ai pensé qu'il était préférable de reléguer ma morgue à la corbeille. Car au fond que sais-je de Marcel Conche ? Rien ou si peu. Et si je confesse n'avoir lu à ce jour de lui que ce livre d'entretien, comment imaginer que je puisse porter jugement qui ne soit pas qu'un ressenti à l'emporte pièce ? Aussi ravalant ma prétention absurde, je note qu'il me faudra lire au moins ces deux livres : « Montaigne » et « Temps et destin », qui selon les mots de Frédéric Schiffter sont « Magistraux. Lumineux. Émouvant, même ».

 

Pour finir, cela serait faire preuve d’hygiène mentale, si ce n’est d’une certaine forme de sagesse, que de se limiter dans les articles d’un blog tel que celui-ci, à ne causer et à ne faire connaître que les seules choses ayant suscités l’enthousiasme, ou susceptibles de donner l’envie d’en apprendre davantage sur le sujet exposé. Pour la polémique, il y a la presse professionnelle, et tant d’autres déversoirs plus ou moins destinés à cela...

Quant à Marcel Conche, je laisse plutôt en parler André Comte Sponville ainsi que Michel Onfray, tous deux interviewés par le petit fils du philosophe, dans le cadre d'un travail sur son grand-père.

 

 


(1) Marcel Conche, Confession d'un philosophe. Réponses à André Comte-Sponville
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14 mai 2010 5 14 /05 /mai /2010 11:10

 

Philo

La fin du courage   

Cynthia Fleury 

 Fayard, 2010.

 


 

Aristote, (…) aime à distinguer le vrai courage du faux courage. De même qu’il y a des peurs justifiées, il y a des courages indignes, des courages qui sont des insouciances ou des intempérances "(1). 

 

 

On sait si l’on a plié devant le petit abus ou si l’on s’est adapté pour mieux contrer plus tard. Les stratégies d’adaptation sont inévitables et signe de maturité, mais elles sont aussi, hélas, le plus sûr chemin vers l’acceptation et la légitimation de l’inacceptable. L’adaptation des uns, fait le lit de l’abus des autres "(2).

  

 La fin du courage

Cynthia Fleury, avec " La fin du courage " signe un très bel essai, dont le titre contredit le propos. Atypique vertu que le courage dans nos époques ou dominent les idéologies de la réussite, et lorsque les sempiternels discours publics de la rupture et du parler vrai ne sont que de parfaites mise en scène signant le cynisme de la contre-exemplarité politique.

 

Ainsi est-ce sans doute une idée saugrenue qu’un tel livre, en de tels temps où l’individualisme exacerbé semble être reconnu comme valeur suprême ; lorsque chaque individu se trouve ravalé à un simple objet d’échange par un capitalisme débridé ; lorsque l’utilitaire et le contractuel règnent en maître sur nos consciences aliénées au consumérisme ; et lorsque enfin, comme autant de monades livrées à de vaines quêtes narcissiques, on s’abandonne au futile, ainsi qu’à nos petites lâchetés quotidiennes. Pour cela, et pour bien d’autres raisons encore que l’on pressent sourdement, ce livre est d’autan plus nécessaire.

L’instant propice !..

 

Le courage est sans victoire ; le courage est l’incarnation de l’anti-culture du résultat. Avec le courage, il n’y a pas de capitalisation possible : avoir été courageux un jour ne dispense pas de l’être demain… La réussite n’est pas la marque du courage, et l’on est pas courageux parce qu’on a réussit, mais on réussit parce qu’on a du courage… Avec le courage, il n’y a pas de résultats. L’échec n’est pas la défaite ; voire parfois l’échec signe le courage. D’ailleurs le seul échec véritable, les seules défaites avérées, se sont ces petites lâchetés qui s’en sont venues, peu à peu, corroder nos caractères ; celles là même qui nous empêchent de dépasser nos peurs ; et qui nous font refuser d’affronter ce rendez-vous avec soi-même…

 

Ce manque d’entraînement au courage, voila dont traite l’ouvrage de Cynthia Fleury.

Etre courageux malgré tout : Voilà la leçon salvatrice…

 

Cynthia Fleury

 

 

Sur la lecture proprement dite, sans doute que l’ouvrage n’est pas d’un accès aussi aisé que " Les pathologies de la démocratie ", du moins pour tous ceux qui comme moi, ne sont pas familiarisés avec la langue philosophique. Mais il convient de persévérer. De le lire lentement, de le relire et de le méditer… Ce livre est à sa manière un sanctuaire : le réceptacle de l’une de ces vertus à l’ancienne ; indémodable. Une invite l’enracinement dans des valeurs éternelles sur lesquelles on peut compter pour l’édification de soi-même. Aussi, laisser ces pages d’un optimisme raisonné se distiller dans nos veines est le plus doux des remèdes… Vivifiante liqueur, apte à congédier cet affreux sentiment d’invisibilité sociale étreignant le quidam pris dans les rais de ce monde de la standardisation et de l’interchangeabilité ; propre à repousser aussi le morne ennui d’une existence " à-côté " ; indispensable pour balayer enfin la facticité des fausses valeurs " modernes ".

 

 

 

La pratique de l’amitié et celle du courage ont ceci en commun qu’elles sont toutes deux vertueuses, et qu’on ne laisse pas un vertu inactive. (…) C’est parce que le sage n’a pas besoin d’amis qu’il goûte pleinement la nature de l’amitié, en son désintéressement même "(3).

 

 

Un mot enfin sur l’organisation de cet essai, d’une écriture dense et incisive, où les citations se fondent merveilleusement et sans coutures dans le fil du récit. Il s’articule en deux parties. La première traite de la morale du courage ; de la vertu privée. " Il n’y a d’éthique du courage que seul, il n’y a d’éthique du courage que collectif ", dit Cynthia Fleury. Aussi le second volet de ce magnifique essai abordera la politique du courage ; vertu publique s’il en est.

 

 

La parrêsia (le dire vrai) n’est pas affaire de communication (…). Elle prends le risque de déplaire (et non pas de plaire en déplaisant ou en provoquant, voie classique de la communication polémique, à tendance blasphématoire et populiste) "(4).

 


(1) Cynthia Fleury, La fin du courage, Fayard. 2010, page 18.

(2) Ibid page 20.

(3) Ibid pages 68,69.

(4) Ibid page 148.


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