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20 mai 2013 1 20 /05 /mai /2013 09:28

« Habituée à prédominer dans tous les domaines, la masse se sent offensée dans ses « droits de l’homme » par le nouvel art, qui est un art de privilège, de noblesse de nerfs, d’aristocratie instinctive »

 

Ortega Y Gasset

La Déshumanisation de l’art - 1925

 

bv63s1_tas_de_charbon_fix_med.jpg

A propos  de l’impopularité du nouvel art (qui n’est pas défini clairement dans l’essai) :

 

Si je ne partage absolument pas cette vision aristocratique, ou d’un côté il y aurait la plèbe ignare, la masse, fondamentalement incapable de comprendre le nouvel art (car non figuratif en gros), et de l’autre la minorité éclairée, à même de savourer les productions les plus abstruses, je ne suis pas certain non plus qu’au fond Ortéga y Gasset y adhère véritablement – ou du moins s’il cautionne ce dualisme assez commun sorti après tout de son propre chapeau, il n’en goûte pas pour autant l’art nouveau (mais se trouve exempt de l’irritation provoqué par l’incompréhension : « Lorsque quelqu’un n’aime pas une œuvre d’art mais qu’il l’a comprise, il se sent supérieur à elle et l’irritation n’a pas lieu d’être »). Elite de l’élite donc... 

 

Car un bien lire, au fil de l’ouvrage semble se dessiner une progression du point de vue de l’essayiste. 

Au début, en effet, après avoir établi cette séparation quasi étanche ou il se place naturellement du bon côté, en opposition à la masse préférant le romantisme, « premier né de la démocratie » dont l’ennemi fut « justement une minorité choisie, ankylosée dans les formes archaïques de ‘l’ancien régime’ poétique », il glisse peu à peu à la neutralité, revendiquant le regard du scientifique  : 

« Je me limite à en établir la filiation comme le fait un zoologue avec deux faunes antagonistes ».

Et enfin, dans la dernière page  : 

« J’ai été exclusivement animé par le désir d’essayer de comprendre – non par la colère ni par l’enthousiasme. (…) D’aucuns diront que le nouvel art n’a rien produit qui vaille la peine et je ne suis pas loin de penser la même chose ». 

 

D’ailleurs, au final, d’un point de vue rossetien, ne serait-ce pas la plèbe qui aurait raison ? 

On peut se poser la question, lorsqu’on lit, à propos de la masse sous la plume d’Ortega y Gasset  : 

« Si on les invite à prêter attention à l’œuvre d’art, ils diront qu’ils n’y voient rien, car, en effet, ils n’y voient rien d’humain, mais seulement des transparences artistiques, de pures virtualités ». 

Ils ne verraient donc que réel… Et dans le tas de charbon un tas de charbon. 

Kazimir-Malevich---Carre-blanc-sur-fond-blanc---1918.jpg

Ai-je bien lu ? Y-a-t-il une seule manière de lire et d’interpréter le texte ? Difficile de trancher.

 

Et me vient ce passage de l’Histoire de la lecture d’Alberto Manguel :

 

« Ce que Constantin  (1) a découvert (…) c’est que la signification d’un texte est amplifié par les capacités et les désirs du lecteur. Face à un texte, le lecteur peut transformer les mots en message qui résout pour lui une question sans rapport historique avec le texte ni son auteur. Cette transmigration du sens peut enrichir ou appauvrir le texte ; invariablement, la situation du lecteur déteint sur le texte. Par ignorance, par conviction, par intelligence, par ruse et tricherie, par illumination, le lecteur récrit le texte avec les mots de l’original mais sous une autre en-tête, il le recrée, en quelque sorte, du simple fait de lui donner une existence ». 

 


(1) Alberto Manguel a expliqué peu avant comment Constantin à dévoyé les écrit de Virgile et autres grands anciens pour en faire des annonciateur du Christ et du christianisme : « Constantin jugea bon d’oublier discrètement les passages dans lesquels Virgile parlait des dieux païens, Apollon, Pan et Saturne. Des personnages antiques qu’on ne pouvait laisser de côté devinrent des métaphores de la venue du Christ… ». Etc.
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18 mai 2013 6 18 /05 /mai /2013 10:35

Fragonard---La-lecon-de-musique-1769.jpg

Je me suis endormi hier soir avec en tête cette affaire d’inexpressivité musicale qui me rendait  perplexe – toutes mes fibres y résistent.

Au réveil je crois avoir mieux cerné mes réticences.

 

Les voici exposées succinctement dans un style télégraphique – pas facile d’organiser le chaos de ces bribes de raisonnements. 

 

Musique - Egypte antiqueTous les humains sont équipés à peu près des mêmes outils sensoriels et se trouvent embarqués dans la même corporéité.

Ce constat factuel conforte mon intuition d’un probable socle commun en terme de perceptions et de types de réactions instinctives face à ces agents d’influence.

Loin d’une inexpressivité musicale, donc, il devrait au contraire se manifester des sortes d’archétypes sonores, de constantes. C’est-à-dire qu’à tel type de stimuli sonore, à tel enchaînement ou agencement de sons, ne pourrait correspondre que tel type de ressenti primaire, telle genre d’émotion ou de réaction spontanée (je pense à l’appui de cette idée au cas des oiseaux : du babil au cri d’alarme, passant par le chant) ; sérénité / agitation – Angoisse / paix, etc.

Ensuite, évidemment, chez l’humain (et chez les espèces de mammifères et d’oiseaux les plus évoluées) s’y superposent des couches culturelles propre à chaque individu : son vécu, sa singularité, l’influence du groupe, de l’environnement, des rencontres, etc. Ces facteurs estompent ou renforcent, contrecarrent ou encouragent, ruinent ou sanctifient, ces affects universels  – mais les anéantissent-ils tout à fait ? j’en doute.

 

2012 08 - oiseau 02 - Quiscale à longue queueNous projetons de la sorte notre intellect sur les phénomènes sonores dans lesquels nous baignons, qu’ils soient naturels ou artificiels (notre propre respiration, le bruit du vent, le chant des oiseaux, le bruit des vagues, les agressions sonores des engins mécaniques de toutes sortes, les cris de la foule, etc.) les dénaturons et les recomposons tout à la fois au grès de notre humeur, de nos capacités tant intellectuelles que culturelles. A ce crible et depuis nos échasses jugeons-nous alors la musique, plus ou moins consciemment : harmonique, inharmonique, agressive, douce, éthérée, lourde, romantique, conceptuelle, innovante ou neuve, démodée voire ringarde, piquante, plate, aliénante, irritante, élitistes, populaire, que sais-je encore. C’est là, sans doute, à travers cette projection et cette macération dans ces couches supérieures de notre entendement, qu’intervient cette idée d’une possible inexpressivité musicale. 

 

Ainsi existe-il un genre musical bien nommé « musique industrielle », assez peu supporté par la masse mais qui convient à une élite (1) qui ne se sent pas « offensé par (… cet) art de privilège, de noblesse de nerfs, d’aristocratie instinctive » (je reprends la terminologie d’Ortega y Gasset, un peu par provocation je l’avoue). 

C’est un exemple phénomène purement culturel. Quoi que… (je songe ici au côté hypnotique engendré par les pulsations du rythme de base : voir les deux exemples de ce genre musical au bas du billet. Mais je préviens, il faut avoir les oreilles bien accrochées – et imaginer ces morceaux joués à pleine puissance sous effet stroboscopique). 

 

Il y aurait aussi à dire de la musique aux époques préhistoriques, mais cela dépasserait largement mon propos (voir le bel article sur le site Hominidés, ici - cliquer aussi sur l'image présentée ci-dessous).

 Instrum-prehistoire.JPG

La quête des archétypes : 

Parmi d’autres, la pulsation de notre sang, le rythme de notre cœur doivent en être…

 

Et je me suis soudain rappelé d’un billet de Nicolas Gauvrit sur l’effet bouba-kiki

Il y écrit :

 

« Les humains semblent tous partager une certaine forme de synesthésie. S'il est rare de voir de la musique ou de percevoir des couleurs dans les lettres ou les formules mathématiques, il est en revanche plus que courant de faire le lien entre certaines sonorités linguistiques (pseudo-mots) et des formes ou types de lignes. Dans une version de l'expérience de Köhler, on demandait par exemple à des adultes de deviner les noms des formes suivantes, sachant que l'une des deux s'appelle Takete et l'autre Maluma. »

 Takete_Maluma.jpg

(Ne lisez pas la suite du billet de Nicolas Gauvrit avant d’avoir répondu à la question ci-dessous)

Laquelle des formes reprise sur l’image ci-dessus s’appelle Maluma et laquelle se nomme Takete ? Alors, à votre avis ? 

 

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Tout ceci est embrouillé encore.


Mais plus je m’engage en ce sentier, plus je me trouve à plaider, tout à rebours d’une foncière inexpressivité musicale, pour des motifs sonores universaux - réaménagés ensuite par l’intellect et la culture. 

(Certains y trouveront là peut-être des restes de l’influence de Jung sur mes jeunes ans. Plus sûrement j’y verrai un ancrage dans la science contemporaine).  

Musique africaine

 


 

Décrassage d’oreilles : Exemple de musique industrielle

 

SONAR – HOSTAGE (instrumental)

 

.

DIVE – BLOOD MONEY (avec paroles)

 

 


(1) Il me semble que ce genre de discours est toujours tenu par ceux qui se sentent ou se pensent du bon côté de la barrière qu’ils ont construite. 

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17 mai 2013 5 17 /05 /mai /2013 16:39

« Car je considère la musique dans son essence, impuissante à exprimer quoi que ce soit : un sentiment, une attitude, un état psychologique, un phénomène de la nature, etc. L’expression n’a jamais été la propriété immanente de la musique. La raison d’être de celle-ci n’est d’aucune façon conditionnée par celle-là. Si, comme c’est presque toujours le cas, la musique parait exprimer quelque chose, ce n’est qu’une illusion et non pas une réalité. C’est simplement un élément additionnel que, par convention tacite et invétérée, nous lui avons prêté, imposé, comme une étiquette, le protocole, bref, une tenue et que, par accoutumance ou inconscience, nous sommes arrivés à confondre avec son essence ».

 

Strawinsky, Chroniques de ma vie.

Citation elle-même tirée  de L’inexpressif musical / question sans réponse, de Santiago Espinosa et Clément Rosset.

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Combichrist - I want your blood

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«… c’est alors la parole qui ‘accompagne’ la musique et non le contraire ; et n’importe quel texte ferait au fond l’affaire, y compris celui le plus opposé à celui retenu…. »

Clément Rosset L’invisible
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Combichrist - What the fuck is wrong with you !
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« Le moi, c’est l’absence de pensée, l’absence de paroles ; le ‘Je périssable’ le je mouvant, incapable de se fixer dans un mot. Je incapable aussi de se fixer dans un reflet de miroir – ou d’écran – qui lui renvoie une image de soi. Le je meurt ; le moi, son image, demeure ». 

L’inexpressif musical / question sans réponse, de Santiago Espinosa et Clément Rosset.
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Combichrist - Sent to destroy

Axel, incertain sur les sentiers de l’inexpressivité musicale, se disant en refrain - à plus d'un titre : « What the fuck is wrong with me ! ». 

Et ce qui à l’allure et la saveur, tout de même un peu,  d’un réductionnisme - ou de son ombre, me fait malgré moi reprendre en écho le dire d’un commentateur peut-être levé du pied gauche : « A-t-on vraiment dit quoi que ce soit lorsqu'on affirme que la peinture est d'abord un assemblage de couleurs et la musique un assemblage de sons ? ».
S’il m’était aujourd’hui possible croire la psychanalyse je dirai que je fais de la résistance… 

Mais je me rassure, songeant qu’au final rien « n’élucide évidemment la nature de l’expressivité exclusivement musicale, si toutefois cette expressivité existe ». 

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10 mai 2013 5 10 /05 /mai /2013 17:02

Misanthrope-00.jpg

P1070149.jpgOn ne savoure jamais tant une grande pièce - j’entends un classique – que lorsque nous en sommes déjà tout imprégné. 

 

Et lorsque advient l’instant magique de la représentation, que les feux s’éteignent pour laisser place à l’incarnation, la familiarité avec l’œuvre contribue au transport, et les vers glissent tout droit au cœur. 

D’un goût plus ferme on s’abandonne…. D’un pas plus ferme on s’aventure… 

Et les répliques dont s’est forgée la mémoire des temps nous entraînent et nous ravissent. 

 

Tel est du moins mon sentiment - conscient qu’on puisse avoir avis tout à rebours.  

 

Ce pourquoi, hier au soleil sous un pommier ai-je repris cette vieille édition du Misanthrope datée de 1939 soigneusement recouverte d’une couverture en lambeau et qui me vient de ma tante, elle-même ayant eu le livre annoté des mains d’une cousine dont ne me reste que Misanthrope-01.jpg


Un livre, mais pas n’importe quel livre. Comme le dit Alberto Manguel (Une Histoire de la lecture) « en fonction des époques et des lieux, j’ai appris à attendre des livres des apparences diverses et, comme dans toutes les modes, ces traits changeants attachent un caractère précis à la définition d’un livre. Je juge un livre à sa couverture ; je juge un livre à sa forme ». J’ajouterai : à sa saveur, à sa tessiture et à son histoire – la liste n’est pas exhaustive. 

 

Ainsi hier soir, comme on devine, nous sommes-nous rendus, famille au grand complet, à laMisathrope01-.jpg ville pour assister à une représentation du Misanthrope, pièce avec une mise en scène commise par Jean-François Sivadier

Et si, après cette belle expérience les avis divergent sur certains aspects, on s’accordera néanmoins pour louer le résultat d’ensemble. 

Pour préciser ma pensée sur ces marges, je dirai que sans doute par excès de conservatisme, j’aurai préféré décors et costumes d’époque, sans intempestives incursions d’éléments contemporains. C’est que les innovations conceptuelles de toutes sortes me gâchent quelque peu l’esprit des grandes pièces. Pour dire au plus juste, si je comprends que le metteur en scène veuille laisser sa marque, cette façon de penser que pour séduire et retenir l’attention du public il faille absolument introduire dans les pièces classiques de la modernité et du contemporain me parait, au contraire, avoir pour résultat d’en réduire la portée. Reste que l’interprétation d’Alceste est époustouflante, celle de Philinte savoureuse et celle d’Oronte, d’un comique fort à propos, tout à fait séduisante. Les autres rôles sont pareillement fort joliment incarnés, ma seule réserve étant le choix pour incarner et interpréter Célimène. Mais il est vrai que je suis un vieux grincheux… Aussi ne boudons pas notre plaisir ! 

Misathrope.jpg 

 Video---Misanthrope.JPG

Et s’il est des hasards, des singularités dont on voudrait faire sens, j’ajouterai qu’alors que nous avions nos places pour ce spectacle depuis de longs mois, le neuvième volet d’Ad Usum mei de Frédéric Schiffter me fit cliquer sur le lien vers une Petite philosophie du jet-setter ; qui me conduisit au Contre Debord


Je reçu les livres précisément avant-hier, soit la veille de la représentation de L’atrabilaire amoureux. Et lorsque on sait que la première édition du Contre Debord se nommait Debord l’atrabilaire, il y a de quoi y voir un signe…  

Ce que confirma ma lecture ou je lu, dans des pages précisément consacrées au Misanthrope

« Alceste clame si fort sa répugnance pour le genre humain, que nul ne prend garde que Philinte est le vrai misanthrope » et plus loin « Le ridicule d’Alceste vient de sa philanthropie déçue. L’élégance de Philinte, de son aimable lucidité ». (Frédéric Schiffter, Contre Debord pp 91-92).

Un renversement où la lucidité se trouve opposée à l’aigreur de l’atrabilaire : voilà une interprétation à laquelle je n’avais pas songée !

 

A l’appui de tels dires, deux passage de la pièce de Molière :

 

« Et mon esprit enfin n’est pas plus offensé

De voir un homme fourbe, injuste, intéressé,

Que de voir des vautours affamés de carnage,

Des singes malfaisants, et des loups pleins de rage ».

- - - - -

 

« J’observe, comme vous, cent choses tous les jours,

Qui pourraient mieux aller, prenant un autre cours ;

Mais quoi qu’à chaque pas je puisse voir paraître,

En courroux comme vous, on ne me voit point être ;

Je prends tout doucement les hommes comme ils sont ;

J’accoutume mon âme à souffrir ce qu’ils font,

Et je crois qu’à la cour, de même qu’à la ville,

Mon flegme est philosophe autant que votre bile ».

 

Le flegme philosophe, qui fera dire à Philinte encore : 

 

« Il faut fléchir au temps sans obstination ;

Et c’est une folie à nulle autre seconde,

De vouloir se mêler de corriger le monde ».

P1070147.jpg

 


Quelques données sur la pièce 

(Je les tire de ma vielle édition) 

 

« Le Misanthrope fut représenté pour la première fois, sur la scène de Palais-Royal par Molière et sa troupe, le 04 juin 1666. C’était la seizième pièce de Molière. L’accueil du public fut, paraît-il, assez froid, et le succès, selon l’abbé du Bos, « ne se dessina qu’après huit ou dix représentations ». (…) Le Misanthrope fut néanmoins donné 34 fois en 1666, ce qui pour l’époque, est honorable ; par contre, dans les années suivantes, jusqu’à la mort de Molière, il ne fut voué que 25 fois. Il semble donc bien qu’en dépit de l’accueil élogieux dont la pièce avait été l’objet de la part de gens éclairés, le grand public ait boudé le Misanthrope. (…) A l’époque de Musset, le Misanthrope ne faisait pas recette, si l’on en juge par le début d’Une soirée perdue :

J’étais seul, l’autre soir, au Théâtre Français,

Ou presque seul. L’auteur n’avait pas grand succès :

Ce n’était que Molière…

On donnait ce soir là le Misanthrope !

Reconnu néanmoins comme le chef-d’œuvre de Molière, le Misanthrope a eu à la Comédie Française, de 1860 à 1932, 1367 représentations, distancé seulement par Tartuffe et l’Avare. »

 


Avis de Chamfort sur Le Misanthrope

 

« Si jamais auteur comique a fait voir comment il avait conçu le système de la société, c’est Molière dans le Misanthrope. C’est là que, montrant les abus qu’elle entraîne nécessairement, il enseigne à quel prix le sage doit acheter les avantages qu’elle procure ; que, dans un système d’union fondé sur l’indulgence mutuelle, une vertu parfaite est déplacée parmi les hommes et se tourmente elle-même sans les corriger… Mais en même temps, l’auteur montre, par la supériorité constante d’Alceste sur tous les autres personnages, que la vertu, malgré les ridicules où son austérité l’expose, éclipse tout ce qui l’environne… » 

 


Avis de Rousseau sur le Misanthrope


« Vous ne sauriez me nier deux choses : l'une, qu'Alceste, dans cette pièce, est un homme droit, sincère, estimable, un véritable homme de bien ; l'autre, que l'auteur lui donne un personnage ridicule. C'en est assez, ce me semble, pour rendre Molière inexcusable. On pourrait dire qu'il a joué dans Alceste, non la vertu, mais un véritable défaut, qui est la haine des hommes. A cela je réponds qu'il n'est pas vrai qu'il ait donné cette haine à son personnage. (…)  Qu'est-ce donc que le misanthrope de Molière? Un homme de bien qui déteste les mœurs de son siècle et la méchanceté de ses contemporains; qui, précisément parce qu'il aime ses semblables, hait en eux les maux qu'ils se font réciproquement et les vices dont ces maux sont l'ouvrage. S'il était moins touché des erreurs de l'humanité, moins indigné des iniquités qu'il voit, serait-il plus humain lui-même? (…) Ces sentiments du misanthrope sont parfaitement développés dans son rôle. Il dit, je l'avoue, qu'il a conçu une haine effroyable contre le genre humain. Mais en quelle occasion le dit-il ? Quand, outré d'avoir vu son ami trahir lâchement son sentiment et tromper l'homme qui le lui demande, il s'en voit encore plaisanter lui-même au plus fort de sa colère. Il est naturel que cette colère dégénère en emportement et lui fasse dire alors plus qu'il ne pense de sang-froid. D'ailleurs la raison qu'il rend de cette haine universelle en justifie pleinement la cause :


…………..Les uns parce qu'ils sont méchants

Et les autres, pour être aux méchants complaisants.


Ce n'est donc pas des hommes qu'il est ennemi, mais de la méchanceté des uns et du support que cette méchanceté trouve dans les autres. S'il n'y avait ni fripons ni flatteurs, il aimerait tout e genre humain. Il n'y a pas un homme de bien qui ne soit misanthrope en ce sens; ou plutôt les vrais misanthropes sont ceux qui ne pensent pas ainsi; car, au fond, je ne connais point de plus grand ennemi des hommes que l'ami de tout le monde, qui, toujours charmé de tout, encourage incessamment les méchants, et flatte, par sa coupable complaisance, les vices d'où naissent tous les désordres de la société.

Une preuve bien sûre qu'Alceste n'est point misanthrope à la lettre, c'est qu'avec ses brusqueries et ses incartades il ne laisse pas d'intéresser et de plaire. Les spectateurs ne voudraient pas à la vérité lui ressembler, parce que tant de droiture est fort incommode; mais aucun d'eux ne serait fâché d'avoir affaire à quelqu'un qui lui ressemblât : ce qui n'arriverait pas s'il était l'ennemi déclaré des hommes. Dans toutes les autres pièces de Molière, le personnage ridicule est toujours haïssable ou méprisable. Dans celle-là, quoique Alceste ait des défauts réels dont on n'a pas tort de rire, on sont pourtant au fond du cœur un respect pour lui dont on ne peut se défendre. En cette occasion, la force de la vertu l'emporte sur l'art de l'auteur et fait honneur à son caractère. Quoique Molière fît des pièces répréhensibles, il était personnellement honnête homme; et jamais le pinceau d'un honnête homme ne sut

couvrir de couleurs odieuses les traits de la droiture et de la probité. Il y a plus : Molière a mis dans la bouche d'Alceste un si grand nombre de ses propres maximes, que plusieurs ont cru qu'il s'était voulu peindre lui-même. Cela parut dans le dépit qu'eut le parterre à la représentation de n'avoir pas été, sur le sonnet, de l'avis du misanthrope : car on vit bien que c'était celui de l'auteur ».

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12 avril 2013 5 12 /04 /avril /2013 18:53

Quantom-13-quanto9.jpg

 

C’était la fin des années 80, l’époque où Les enfants du rock avaient substitué leur vieux générique,  New Order avec l’instrumental de Confusion, par The cure (Just like heaven)… J’aurai dû alors y songer : le remède au paradis, au lieu de cette vague de confusion synthétique aux contours ambigus ; cela ne pouvait que mal finir ! 

Ian Curtis était mort et, les doigts trop gourds pour faire de la guitare, je commençais tout juste à triturer un ordinateur doté de quelques kilos octets de mémoire vive – un Commodore, griffé Vic 20 en l’occurrence. Cela me permit de tirer quelques sons aux accents métalliques que j’assaisonnais de percutions bricolées avec des ustensiles de cuisine et de bruits divers, dont les pleurs de mon petit frère, que je sollicitais par de méchantes traîtrises  – la pénurie de moyen rend imaginatif. 

 

Miscellaneous.jpgPlus tard, tandis que les grandes années New wave s’exténuaient en mille mouvances plus ou moins obscures ; du sautillant au dépressif absolu, mon matériel s’étoffa : un clavier style supermarché et une véritable boite à rythme qui fit un temps ma fierté. Mais l’acmé de mes escapades musicales survint avec l’acquisition d’un sampleur, alors véritable boite à outil des musiques électroniques. Objet désirable entre tous ! Avec cette nouvelle machine je me mis à n’en plus finir à  boucler les sons les plus divers, du bruit d’un feu de cheminée aux extraits de films, passant par le singe en peluche poussant son cri, les triturant et les passants ensuite dans le lavoir d’effets de toutes sortes (reverb, delay crossover, etc.).

Avec le recul, je me rends compte que ce que j’aimais en particulier dans l’utilisation de ce style d’outils musicaux, étant de tempérament sauvage, c’était de pouvoir tout orchestrer seul ; me suffisant à moi-même. Ce qui n’empêcha pas mon frère, une fois grandi de rejoindre le projet et y associer une note de gothique au travers sa guitare. 

 

D’ordinaire on nous classait dans la case « coldwave » ou « darkwave ». Et si je n’ai jamais aimé les étiquettes, il demeure difficile de tout à fait les ignorer. 


Le morceau instrumental Elle est belle votre religion…date de la dernière époque de Quantom 1+3 et me fus inspiré par film que je trouvais alors fulgurant, Angel Heart (je ne l’ai pas revu depuis lors). D’ou l’idée de ce petit montage…

 

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22 février 2013 5 22 /02 /février /2013 15:12

Akselsen-Geir-02.jpg

Tocqueville, me semble-t-il, est revenu depuis quelques années à la mode. Il n’est pas un débat où il est question de Démocratie sans une citation du maître es  δημοκρατία. On vante le visionnaire et le démocrate ; on salue le considérable arpenteur de l’Amérique des années Jackson, celui qui a mis en mot l’irrésistible ascension de la démocratie dans le Nouveau Monde, ce mouvement qui entraine les sociétés modernes vers le développement de l’égalité.

 

« Aux Etats-Unis, écrit Raymond Aron, Tocqueville n'a pas été seulement, en voya-geur, observer les mœurs et coutumes d'autres hommes, il a voulu, en sociologue, tout à la fois décrire une communauté unique et comprendre les particularités dans lesquelles s'exprime, outre-Atlantique, la tendance démocratique commune à l'Ancien et au Nouveau Monde. Dans son étude de l'Ancien Régime, il n'a pas seulement tenté, à la manière d'un disciple de Montesquieu, de rendre intelligibles des événements, il s'est efforcé de saisir et d'expliquer le cours de l'histoire de France considéré comme un mode singulier d'accession à l'âge démocratique. » (1)

 

De-la-democratie-en-Amerique---tome-1.jpgIl ne m’en a pas fallu davantage pour me convaincre de me coltiner avec le premier des deux gros volumes constituant cette œuvre monumentale (le premier tome a été publié en 1835 et le second en 1840), rédigé dans le style sec propre aux grand commis de l’Etats ou aux experts (ou prétendus tels).
S’il n’est pas question pour moi de contester la richesse de l’œuvre de Tocqueville - cela serait bien pédant de ma part -, force est de constater, à la lecture donc du pavé que constitue le premier tome de cette aventure américaine, que si j’y ai trouvé de bons et nobles morceaux, d’autres m’ont parus nettement plus difficiles à mastiquer, lorsqu’ils n’étaient pas simplement indigestes. Un plaisir en demi-teinte donc. A se demander, d’ailleurs, si absolument tous ceux qui disent vantent la fraicheur de l’entreprise Tocquevillienne l’ont vraiment lu.

 

On sait que Tocqueville, d’extraction noble, ne fut démocrate qu’à reculons. Mais ce n’est pas rien, si on en juge par ses parents ultra-royalistes. Mon but n’est pas ici d’y revenir ni de faire une exégèse d’une si monumentale œuvre, chose dont je n’ai ni le goût, ni le loisir, ni la capacité, mais de livrer à la réflexion de chacun quelques phrases picorées ici ou là au fil de ma lecture. Sans doute pourra-t-on trouver le procédé un peu vachard. Mais quoi ! Chacun tire Tocqueville du côté de ses propres préjugés et de l’idéologie du moment chère à son cœur ; et face à un écrit si épais et si dense la chose n’est pas supérieurement difficile. Ainsi d’aucuns affirmerons sans ambages que c’est « pour son libéralisme que Tocqueville est critiqué depuis un demi-siècle. Aron l’aurait tiré de l’oubli uniquement pour lutter contre le marxisme à une époque où il était en concurrence avec Jean-Paul Sartre ». D’autres iront chercher « dans les ouvrages de Tocqueville les arguments d'un plaidoyer pour le libéralisme économique ou ceux d'une critique du socialisme » et certains penseront, au contraire, que son travail sur la paupérisation «  permet d'introduire des nuances dans le libéralisme de Tocqueville ». Au final, au vu d’une telle diversité, mon procédé ne m’apparait pas si mauvais. Et puis, aux curieux d’aller lire l’ouvrage en son entier pour se faire leur propre idée.

 

Quoi qu’il en soit, et avant d’entrer dans le vif de ces quelques pauvres citations tirées de La démocratie en Amérique, qu’il me soit permis de clamer haut et fort ma préférence envers le simple voyageur qui rédigea Quinze jours au désert, à la statue intimidante du descendant de Saint Louis.

  Sarolta-Ban-01.jpg

« L’aristocratie est infiniment plus habile dans la science du législateur que ne saurait l’être la démocratie. Maîtresse d’elle-même, elle n’est point sujette à des entraînements passagers ; elle a de longs desseins qu’elle sait mûrir jusqu’à ce que l’occasion favorable se présente. L’aristocratie procède savamment ; elle connaît l’art de faire converger en même temps, vers un même point, la force collective de toutes ses lois ».

 

« en Amérique la législation est faite par le peuple et pour le peuple. Aux Etats-Unis, la loi se montre donc favorable à ceux qui, partout ailleurs, ont le plus d’intérêts à la violer. »

 ALEXIS DE TOCQUEVILLE

« … cette perception claire de l’avenir, fondée sur les lumières et l’expérience, qui doit souvent manquer à la démocratie. Le peuple sent bien plus qu’il ne raisonne ; »

 

« Cette faiblesse relative des républiques démocratiques, en temps de crise, est peut-être le plus grand obstacle qui s’oppose à ce qu’une pareille république se fonde en Europe ».

 

« Il se découvre, dans la corruption de ceux qui arrivent par hasard au pouvoir, quelque chose de grossier et de vulgaire qui la rend contagieuse pour la foule ; il règne, au contraire, jusque dans la dépravation des grands seigneurs, un certain raffinement aristocratique, un air de grandeur… »

 

« Le pauvre ne se fait pas une idée distincte des besoins que peuvent ressentir les classes supérieures de la société. Ce qui paraîtrait une somme modique à un riche, lui paraît une somme prodigieuse, à lui qui se contente du nécessaire ; et il estime que le gouverneur de l’Etat, pourvu de ses deux milles écus, doit encore se trouver heureux et exciter l’envie ».

 

« Le vote universel donne réellement le gouvernement des sociétés aux pauvres. L’influence fâcheuse que peut quelquefois exercer le pouvoir populaire sur les finances de l’Etat se fit bien voir dans certaines républiques démocratiques de l’antiquité, où le trésor public s’épuisait à secourir les citoyens indigents… »

 

captain-america2.jpg« Les grands talents et les grandes passions s’écartent en général du pouvoir, afin de poursuivre la richesse ; (…) C’est à ces causes autant qu’aux mauvais choix de la démocratie qu’il faut attribuer le grand nombre d’hommes vulgaires qui occupent les fonctions publiques. Aux Etats-Unis, je ne sais si le peuple choisirait les hommes supérieurs qui brigueraient ses suffrages, mais il est certains que ceux-ci ne les briguent pas ».

 

« Il se répand de plus en plus, aux Etats-Unis, une coutume qui finira par rendre vaines les garanties du gouvernement représentatif : il arrive très fréquemment que les électeurs en nommant un député, lui tracent un plan de conduite et lui imposent un certain nombre d’obligations positives dont il ne saurait nullement s’écarter ».

 

« Je ne connais pas de pays où il règne, en général, moins d’indépendance d’esprit et de véritable liberté de discussion qu’en Amérique ».

 

« Si l’Amérique n’a pas encore de grands écrivains, nous ne devons pas en chercher ailleurs les raisons (la tyrannie de la majorité) : il n’existe pas de génie littéraire dans liberté d’esprit, et il n’y a pas de liberté d’esprit en Amérique ».

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(1) Raymond Aron, Idées politiques et vision historique de Tocqueville, Revue française de science politique, année   1960   - Volume   10

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24 décembre 2012 1 24 /12 /décembre /2012 09:53

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"Les gens de lettres, surtout les poètes, sont comme les paons, à qui on jette mesquinement quelques graines dans leur loge, et qu'on en tire quelquefois pour les voir étaler leur queue; tandis que les coqs, les poules, les canards et les dindons se promènent librement dans la basse-cour, et remplissent leur jabot tout à leur aise."

CHAMFORT

 

Priene - RuePerdu dans ses songeries à l’ombre du portique de Priène, le philosophe Bias, l’un des sept sages de la Grèce antique, ne pouvait sans doute concevoir qu’un jour les alluvions du fleuve Méandre repousseraient la mer des kilomètres au loin.
Il faisait alors bon vivre dans les rues placées sous la protection de la blancheur majestueuse à peine piquée de vert du mont Mycale. C’était avant que la guerre ne surgisse.

Leurs voisins de Milet, dont les eaux venaient baigner les remparts, connurent également diverses fortunes ; grandeurs et malheurs, bonheurs et douleur ; bonheur tandis que les jours s’écoulaient sans tâche sur l’horizon et que la terre ne secouait pas les hommes de ses humeurs  ; douleur lorsque la cité fut prise et incendiée par les Perses.
Le plus docte d’entre eux, Thalès, qui trépassa tandis qu’il contemplait une joutes sportives, considérait l’eau comme principe de toute chose.
Et ce fut par l’eau que virent bien des maux. Mais sans elle la cité ne pouvait survivre et bientôt périclita.
Milet - Theâtre
Ainsi, si tout semble immobile, à la vérité tout coule.
Entre flèche du temps et éternel retour.

L’ineffable douceur de l’instant que l’on ne sait saisir ; un bien être toujours inquiet.
Le voilà le poison. Le voila le remède.

De στοά encore debout il n’en est aujourd’hui plus guère. Pourtant, s’emparant du nom, une formation musicale, adossée sur une base classique, ravive la flamme des temps ensevelis et nous envoute par ses mélodies teintées d’une nostalgie secrète - une noirceur aussi, que le fameux tableau de Böcklin mis à l’arrière- plan du premier morceau que je propose ici, rend parfaitement.

Cette musique réconcilie, et apaisera aussi l’oreille de quelques aimables lecteurs que j’ai par trop malmenée.

Sénèque, dans La brièveté de la vie, affirmait que « ce fut la maladie des Grecs de chercher quel nombre de rameurs avait Ulysse ». Sans doute avait-il raison.
Et sans chercher à raisonner ou ratiociner, car la musique, comme le dit fort justement Clément Rosset, n’est que ce qu’elle est,  je propose juste de partager un peu d’émotions ; un peu de douceur dans se monde de brutes.

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 sToa - Sakrileg (live at WGT 2009)

sToa - Stoa
sToa - Puisque tout passe

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10 novembre 2012 6 10 /11 /novembre /2012 06:31

linkDans le trouble du débat suscité par l’étude du professeur Séralini à propos des OGM et de leur probable toxicité, il ne me semble pas inutile de faire le clair sur deux notions à forte charge politique et émotionnelle : celles de lanceur d’alertes et de principe de précaution.

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Principe de précaution
Le mot est devenu valise. Invoqué à tort et à travers, il sert d’un côté à justifier tout et son contraire. De l’autre, on le présente comme repoussoir absolu, empêchant tout progrès et toute innovation, fauteur de retard technologique, etc. Il y a les inconditionnellement pour et les viscéralement contre. Ceux qui pensent qu’il ne va pas assez loin et ceux qui le trouvent trop contraignant. Et entre ces deux partis irréconciliables on se jette souvent à la tête des anathèmes.
Mais de quoi parle-t-on exactement ? Quels sont les enjeux et qu’est-ce-que recouvre à la vérité ce fameux principe ?

Pour tenter de débroussailler tant soit peu le sujet, je m’adosserai sur une émission de Continent Sciences diffusée à la rentrée de septembre. Je me  propose ici d’en sortir quelques extraits, utile à la réflexion.


(Les invités : Denis Grison et Louis-Marie Houdebine).

 

Bref historique du Principe de précaution
chemins_Philosophiques__Principe_Precaution_Grison_15-10--2.jpgDG : Il naît en Allemagne dans les années 70, avec à la fois une vision développement durable, c’est-à-dire bonne gestion du patrimoine naturel, en particulier des forêts, mais il y a aussi l’idée que pour certains risques sur l’environnement, si l’on attend la certitude, lorsqu’il y a une dégradation observée, des mécanismes qui le sous-tendent pour commencer à agir il risque d’être trop tard. Donc il faut anticiper une réponse, même dans le cas d’une incertitude scientifique. En 1992 c’est là ou ce principe entre sous les projecteurs à Rio (c’est le 15ième sur les 21 principes de Rio). Le principe de précaution devient un principe directeur, mais qui simplement inspire les politiques mondiales, mais qui n’a encore aucune force de contrainte juridique. La même année il rentre dans le traité de Maastricht, également dans une position tout à fait principielle, et là il acquiert une dimension juridique. C’est-à-dire qu’il devient un principe qui est opposable à des politiques publiques, et qu’il doit guider ces mêmes politiques. Il aura ensuite une traduction en France en 1995 sous le nom de loi Barnier et en 2005 il rentre dans le préambule de la constitution à côté de la déclaration des Droits de l’Homme, donc une position tout à fait éminente, comme quelque chose qui doit inspirer la politique française.

 

Des mésusages du principe de précaution
Stéphane Deligeorges souligne tout d’abord, par quelques exemples, les usages farfelus du principe de précaution, comme l’interdiction d’une pièce de théâtre. Ensuite il y a l’usage hors de propos, c’est-à-dire l’abus d’usage, par exemple le cas de la fermeture d’une autoroute dans le cas de fortes chutes de neiges.
DG : il est décisif de faire la distinction et prévention et précaution. Il y a deux types de certitudes. Il y a des incertitudes dans le cas où la connaissance des phénomènes est complète. C’est-à-dire que le dossier scientifique est complet. Et il y a une incertitude dans le cas où il reste une absence ou un manque de connaissances.
Un exemple : 10 boules, 3 rouges et 7 vertes. Je tire une boule. Il y a une incertitude sur sa couleur mais non pas sur sa probabilité d’avoir une rouge ou une verte. C’est tout à fait différent de la situation ou je tire une boule dans une urne de 10 ou je ne connais pas la composition. Il y a des rouges ou des vertes, et peut-être autre chose. Si le rouge représente le risque, quand je tire une boule je ne suis même pas sûr que le risque existe, qu’il y ait une boule rouge. Lorsque nous sommes dans le premier cas il faut appliquer la prévention (exemple réduction de la vitesse sur les autoroute). Par contre, lorsque les risques sont soupçonnés (ex les OGM) mais pas encore certains, et pour lesquels en tout cas le dossier scientifique ne permet pas de donner de probabilités de la gravité de la survenance, mais que le risque est de laisser les choses en état sous prétexte que ce dossier n’est pas encore tout à fait terminé, il faut prendre des mesures différentes que les mesures de préventions et qui sont les mesures de précautions.

 

Polémiques et attaques
Certains disent que ceux qui sont pour le principe de précaution manquent de courage, on peut leur attribuer une espèce de ‘risquophobie’ totale, ils sont dans l’accidentalisme fiévreux.
DG : Ces attaques ont été développées d’abord par l’Académie de médecine, qui en 1999 à rédigé un rapport : « Le principe de précaution faisant du sécuritaire une priorité absolue ne risque-t-il pas d’entraîner un frein à toute entreprise, une inhibition du progrès, une paralysie de l’innovation ». Là nous avons les termes principaux de la critique et je voudrai m’employer à démontrer que le principe de précaution c’est tout le contraire.

 

Définition du principe de précaution
DG : Définition donnée à Rio : « En cas de risques de dommages graves ou irréversibles, l’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir prétexte pour remettre à plus tard l’adoption de mesures effectives servant à prévenir la dégradation de l’environnement ». (…) Lorsque l’on regarde certains grands scandales actuels  (ex Le Médiator) et passés mais encore présents dans les conséquences (ex l’amiante), on voit que c’est l’absence de certitudes scientifiques qui a servi systématiquement de prétexte pour remettre à plus tard la prise de mesures effectives.
Quant à ces mesures (de précaution), elles ne sont pas irrationnelles mais sont des mesures d’évaluation des risques et l’adoption de mesures provisoires et proportionnées (révisables). 



Quelques mot du scandale du Médiator (et de l’expertise)Mediator.jpg
DG : lecture d’un extrait du rapport de l’organisme chargé de l’enquête sur les politiques publiques : « A aucun moment dans cette longue période (d’incertitude), aucun des médecins experts ou pharmacologues internes ou externes à l’Agence (L’Afssaps) n’a été en mesure de conduire un raisonnement pharmacologique et d’éclairer ainsi le choix des directions générales successives. (…) L’exercice de ce métier (d’expert) est fortement influencé par l’environnement intellectuel et médiatique. Or depuis plusieurs années se sont multipliées des prises de positions publiques pour dénoncer une hypothétique tyrannie du principe de précaution. Dans cette affaire, comme d’en autres passées, et malheureusement à venir, ce n’est pas l’excès de principe de précaution qui est en cause mais le manque de principe de précaution. La chaîne du médicament fonctionne aujourd’hui de manière à ce que le doute bénéficie non au patient et à la santé publique mais aux firmes pharmaceutiques».
LMH : Il y a une espèce de tyrannie qui est entrain de se mettre en place à propos des conflits d’intérêts. On dit, tout ceux qui ont travaillé un jour avec telle entreprise ne peut pas être un expert. C’est complément idiot. C’est même très grave. Car qui sont les meilleurs experts ? C’est ceux qui sont dans le domaine (considéré). Ce sont des gens qui ont forcément des rapports avec les entreprises. Les conflits d’intérêts doivent être gérées par des commissions ad hoc et qui disent : vous avez effectivement travaillé pour untel, mais vous n’avez plus de liens, donc vous n’êtes pas en conflit.
DG : Si on veut éviter cela il faut aussi réguler les circuits financiers et donner un vrai statut de l’expert. Il ne faut pas que l’expertise publique soit 10 fois moins payée que si l’on va chez Monsanto ou chez Servier.



Un mot sur les nanotechnologies
LM H : Ce qui s’est passé est manifestement une catastrophe, parce qu’il y a eu un blocage complet. C’est-à-dire que l’on a été en face de gens qui demandent un débat et qui font tout pour qu’il n’ait pas lieu. Ils l’ont saboté et le dialogue maintenant n’existe plus et il n’est pas près de reprendre de manière saine. Ca me rappelle ce qui s’est passé dans la première moitié du siècle dernier en Europe ; cet espèce de rapport de force, avec un certain mépris de la connaissance. Je m’emploi pas souvent le mot d’obscurantisme, mais c’est même pire : c’est du nihilisme
DG : Si je suis catastrophé par la manière dont les choses se sont passées, je suis aussi catastrophé rétrospectivement par la manière dont les choses ont été engagées. C’est-à-dire que les nanotechnologies sont déjà largement produites, les laboratoires ont les financements, et ce débat n’était pas là pour prendre des décisions mais pour rendre acceptables les nanotechnologies. 



Des OGM
LM H : Les OGM dans les médicaments sont beaucoup mieux acceptés que les OGM dans la nourriture. Il y a deux raisons à cela : le médicament on ne le prend pas si l’on n’en a pas besoin alors que l’alimentation on n’a pas le choix. Deuxièmement il est reconnu – ce n’est pas complément juste - que les médicaments sont plutôt bien surveillés alors que l’agriculture ne l’est normalement pas autant. Alors il faut dire les OGM sont extrêmement surveillés par rapport aux variétés obtenues par simple sélection, et les risques sont de même niveau. On arrive à la situation paradoxale où l’on fait trop de choses sur les OGM en terme de sécurité et pas assez sur les plantes sélectionnées classiquement.
DG : Les OGM sont une pierre de touche parfaite pour réfléchir au principe de précaution et à la précaution en général. Je voudrai introduire une différence entre les risques et les effets que l’on a trop tendance à confondre. Nous vivons dans un cadre d’innovations techno-scientifiques ayant deux conséquences à distinguer : les risques, ce qui nous menace, et les effets, c’est-à-dire ce qui transforme notre rapport au monde mais qui n’est pas forcément une menace. (…) Dans le cas des OGM c’est aux risques qu’il faut appliquer le principe de précaution. Il y a deux types de risques soupçonnés : des risques sur la santé, des risques sur l’environnement. (…) Et puis il y a un débat sur les effets, parce que les effets des OGM sont considérables à la fois sur notre rapport à la nature, la nature de l’agriculture, l’appropriation du vivant, le pouvoir de firmes sur les paysans, etc. Or il se trouve que ces deux niveaux ne sont pas distingués. Le débat met tout ensemble. Et parce que cette distinction n’est pas faite tout est embrouillé et tout devient passionnel et polémique. Toutes les questions sur les effets on a tendance à les reporter sur les risques et le principe de précaution vient endosser sur lui l’ensemble de la question des OGM ou qu’il y a en préalable, en accompagnement, un débat beaucoup plus important et plus large sur : dans quel monde voulons-nous vivre ? Quel rapport à la nature ? Quel type d’agriculture ? Quelle paysannerie ? 

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Nb : A noter que Denis Grison fait référence dans ses travaux à l’Ethique à Nicomaque, et en particulier à la notion de Kairos, mise ne relation avec le principe de précaution : « l’action doit être très affinée, qu’il y a le bon moment pour faire la chose. Le trop tôt est le trop tard n’est pas bon. Il n’y a pas de véritable prudence s’il n’y a pas une expérience ».

 


Lanceur d’alerte

Voici la définition du lanceur d’alerte telle que donnée sur le site de Sciences citoyennes :

« Le terme « lanceurs d’alerte », nous le devons à deux sociologues, Francis Chateauraynaud et Didier Torny. Il s’agit en quelque sorte de la traduction du terme anglophone « whistleblowers  (« Ceux qui sifflent »).

Scientifique ou tout autre personne travaillant dans le domaine publique ou privé, voire simple citoyen, le lanceur d’alerte se trouve à un moment donné confronté à un fait pouvant constituer un danger potentiel pour l’homme ou son environnement, et décide dès lors de porter ce fait au regard de la société civile et des pouvoirs publics. Le rôle du lanceur d’alerte n’est pas de démontrer (en ce sens, il n’est pas forcément expert) mais de mettre une question aux enjeux sanitaires ou environnementaux graves entre les mains de son employeur ou des pouvoirs publics chargés de solutionner le problème. La santé et l’environnement touchant de nombreux secteurs économiques, les conséquences pour le lanceur d’alerte — qui agit à titre individuel parce qu’il n’existe pas à l’heure actuelle en France de dispositif de traitement des alertes — peuvent être graves : de pressions morales et matérielles jusqu’au licenciement (dans le privé) ou la « mise au placard » (dans le public), il se retrouve directement exposé à des représailles dans un système hiérarchique qui ne le soutient pas car souvent subordonné à des intérêts financiers ou politiques. »

 lanceurs-d-alerte

Sur cette page de l’organisation se trouvent d’intéressants développements et compléments sur cette notion de lanceurs d’alertes, notamment à propos des enjeux associés et le souhait de lui voir reconnu un statut juridique.  
Parmi les critiques et oppositions à l’idée même de lanceurs d’alertes, on retrouve grosso modo l’argumentation développée à l’encontre du principe de précaution : ces Cassandres - qui parfois n’ont d’autre légitimité que d’être citoyens - seraient des anti-progressistes, des fauteurs de retards technologiques, des catastrophistes ancrés dans un idéal passéiste.



Les lanceurs d’alertes seraient-ils donc des fâcheux, des frileux arc-boutés sur des craintes irrationnelles et sans objet ?
Prenons le cas de l’amiante. « Les effets nocifs de la poussière d'amiante ont entraîné un examen microscopique de la poussière minérale par l'inspecteur médical du Ministère de la Santé. La nature irrégulière des particules, s'apparentant à du verre coupant, a été clairement décelé, et, lorsque ces particules restent en suspension, quelle que soit leur quantité, leurs effets se sont toujours révélés nocifs, comme on pouvait s'y attendre. ». Ce texte sans ambigüité, on le doit à Lucy Deane, inspectrice du travail britannique... et a été rédigé en 1898 !
Il aura ainsi fallut un siècle pour que soit enfin interdit l’usage industriel de l’amiante. Ce n’est pas faute, pourtant, de l’accumulation d’indices et de preuves de la dangerosité de cette substance (voir la chronologie de la connaissance des risques de l'amiante en France, et en particulier en 1982).

 Troll climatique
Mais lorsque l’on évoque les lanceurs d’alertes, se profile aussitôt en filigrane une autre catégorie d’individus, celle des lobbyistes, qu’ils soient d’ailleurs franc-tireur, idéologiquement formatés, téléguidés par tel ou tel groupement d’intérêts, ou officiant au sein d’associations ou de fondations ayant pignon sur rue. A ce propos, il n’est pas anodin de noter que l’on retrouve toujours à peu près les mêmes. Et parmi ceux-là, la figure emblématique de notre troll climatique national, cet ancien ministre de l’Education national, pris à trafiquer ses courbes sur le CO2, pour motif ‘éditorial’. Le même qui en 1996, à propos de l’amiante à Jussieu, évoquera, dans un contexte de « terrorisme intellectuel » un « phénomène de psychose collective ».

 

 

 

Aujourd’hui les lanceurs d’alertes se trouvent confrontés aux lobby du sel, du sucre ou encore des OGM.



Ainsi Pierre Méneton, chercheur à L’Inserm, qui pour avoir dénoncer le scandale du sel eu maille à partir avec le Comité des Saline de France. 
Ainsi le cas de Véronique Lapides, poursuivie en diffamation par le maire de sa ville pour avoir soupçonné la pollution d’un ancien site industriel de Kodak.
Ainsi Christian Vélot, généticien, inquiété par sa hiérarchie pour ses positions critiques envers les OGM.
Ainsi la pneumologue Irène Frachon confrontée au lobby agro-chimique, pour s’être frottée au Médiator.
Ainsi tant d’autres encore...

 

 

Sur le sucre, pas plus loin qu’il y a quelques mois, le neurobiologiste Jean-Didier Vincent se fendait d’une rubrique dans l’Express au titre sans ambigüité : « La guerre du sucre est déclarée: chronique d’une défaite annoncée». Il y concluait « “la malbouffe ne saurait être un remède au mal-être” et que les milliers de morts dues aux excès de sucre ne pèsent pas lourd face “au lobby du sucre et à l’omniprésence des fast-foods”. »
Evidemment un contrefeu fut aussitôt allumé par les professionnels de la filière sucrière : « les études épidémiologiques disponibles ne permettent pas aujourd’hui d’affirmer scientifiquement que les consommations de sucre sont la cause directe et spécifique de l’obésité ou des pathologies associées. » On le voit, l’argumentaire développé ici nous ramène au principe de précaution et à ceux qui le dénoncent. Nous leur rappelleront, avec Denis Grison, que « c’est l’absence de certitudes scientifiques qui a servi systématiquement de prétexte pour remettre à plus tard la prise de mesures effectives ».

 


Lobbysme
En bref, autour de ce sujet il n’est pas inutile d’écouter - ou de réécouter - l’émission Science publique du 30 mars dernier avec Naomi Oreskes, autour de son essai Les marchands de doute, ces apôtres intéressés de la fuite en avant...
Il y a là je pense matière à se faire une idée un peu plus précise des réseaux et du rapport des forces en lice.

 


« Dans les temps de tromperie universelle, dire la vérité devient un acte révolutionnaire. »

Orwell

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2 novembre 2012 5 02 /11 /novembre /2012 17:33

 Kirchner---Autoportrait-en-soldat-copie-1.jpg

« Fabuleux passé de salles à manger et de café de province. C’est là que l’Histoire est allée les prendre, les gens d’ici, Ure et Pimbard, Tronc et les autres. Des gens tout à fait ordinaires. Elle avait besoin de ces gens-là. C’est avec des gens ordinaires, avec des inspecteurs et des sous-inspecteurs, que l’Histoire compose ses aventures. Ils n’en demandaient pas tant, eux. Ils se trouvaient très bien dans leur destin exigu. (…) Ils étaient assurés contre le vol, l’incendie, les enfants, les accidents d’auto. Mais ils n’étaient pas assurés contre l’Histoire. L’Histoire les a délogés de leurs bonheurs, jetés dans la nuit, la faim et la merde. C’est cela notre part d’Histoire. Comme ceux qui ont fait les Croisades, ou qui ont fait la Révolution. On ne pense pas vraiment à ces types-là. C’est vrai pourtant qu’ils ont été des pauvres bougres, eux aussi, qui traînaient la patte, qui en avaient marre, qui rêvaient de paille où s’étendre, où se vautrer – et dormir, bon dieu, dormir. (…)

Qu’est-ce que ça pouvait être, pour eux, les Croisades ? Qu’est-ce que c’était la Révolution ? Pour eux, pas pour les historiens.(…) L’Histoire des historiens est comme un magasin d’habillement. Tout y est classé, ordonné, étiqueté. Les données politiques, militaires, économiques, juridiques ; les causes, les conséquences, les conséquences des conséquences ; et les liaisons, les rapports, les ressorts. Tout cela est bien étalé devant l’esprit, clair, nécessaire, parfaitement intelligible. Ce qui n’est pas clair du tout, ce qui est obscur et difficile, c’est l’homme dans l'Histoire ; ou l’Histoire dans l’homme, si on préfère ; la prise de possession de l’homme par l’Histoire. L’homme complique tout. Dès que l’acteur, celui qui y était, s’en mêle, on ne s’y reconnaît plus, on ne peut plus s’en sortir. Il dérange les belles perspectives historiques avec sa façon à lui de mettre les détails en place, et jamais à la bonne place. Pour lui, c’est toujours ce qui n’a pas d’importance qui compte le plus. Des questions de soupe, de corvées, de vaguemestre et de feuillées. Il faut voir alors ce que deviennent les événements dans la tête de l’homme qui y était. Et pas dans sa tête seulement, mais dans ses jambes, dans ses reins, dans ses boyaux, dans tout son corps qui saigne, qui sue, qui sent le vin, l’ail et pire que ça. L’Histoire des historiens n’a pas d’odeur ». 

 

Georges Hyvernaud, La peau et les os
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26 octobre 2012 5 26 /10 /octobre /2012 16:03

« ... nous avons appris à reconnaître ce gigantisme qui n’est que la contrefaçon malsaine d’une croissance, ce gaspillage qui fait croire à l’existence de richesses qu’on n’a déjà plus, cette pléthore si vite remplacée par la disette à la moindre crise, ces divertissements ménagés d’en haut, cette atmosphère d’inertie et de panique, d’autoritarisme et d’anarchie, ces réaffirmations pompeuses d’un grand passé au milieu de l’actuelle médiocrité et du présent désordre, ces réformes qui ne sont que des palliatifs... »

 

Marguerite Yourcenar. L’Histoire Auguste, 1958 

(Repris dans le recueil Sous bénéfice d’inventaire)

 

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  • : Le blog d'Axel Evigiran
  • : Blog généraliste ou sont évoqués tout aussi bien des sujets sociétaux qu’environnementaux ; s’y mêlent des pérégrinations intempestives, des fiches de lectures, des vidéos glanées ici et là sur la toile : Levi-Strauss, Emanuel Todd, Frédéric Lordon, etc. De la musique et de l’humour aussi. D’hier à aujourd’hui inextricablement lié. Sans oublier quelques albums photos, Images de châteaux, de cités décimées, et autres lieux ou s’est posé mon objectif…
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