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30 novembre 2013 6 30 /11 /novembre /2013 13:26

Fabre-1.jpg

 

Lors d’un échange de commentaires sur un blogue ami, il m’a été demandé d’expliquer pourquoi l’exposition Jan Fabre, qui se déroule actuellement au Palais des beaux de Lille, relevait selon moi du navet intégral - j’aurai pu dire d’une certaine forme de supercherie, sans véritablement trahir le fond de ma pensée. 

C’est cette réponse que j’adapte ici, du haut de ma flemmardise, sous la forme d’un billet qui n’a d’autre justificatif que la subjectivité et le parti pris revendiqués de son auteur, agacé par la fatuité des émois suscité par nombre d’impostures artistes contemporaines  - mais pas toutes (cf. « Jake & Dinos Chapman - No woman No cry »).

 

Fabre-3.jpg

Alors donc, pourquoi n’ai-je pas aimé cette double exposition ? (je mêle ici le Congo de Jan Fabre à ses illuminations du sous-sol, disséminées parmi les enluminures médiévales véritables).

 

Disons qu’une fois pénétré dans l’atrium où étaient exposées les œuvres, à la vue de ces immenses compositions verdâtres sans âmes, mon premier réflexe fut un saisissement. Non pas de stupeur admirative mais de perplexité ; entre envie de m’esclaffer ou de tourner illico les talons. 

 

Fort heureusement, il y avait les étudiants de science Po (organisateurs de la nocturne) pour nous expliciter un peu tout ça (je salue ici leur disponibilité ; sagacité distanciée mêlée d’un excellente connaissance de leur objet d’étude) . 

 

Côté originalité, disons que ces tableaux gigantesques sont constitués uniquement d’élytres de scarabées (provenance d’élevages quasi industriels en Asie) - en ce genre d’exposition il convient de toujours se singulariser !

Ajoutons que le Sieur Fabre met à peine la main à la patte, puisque ce travail de titan (coller des milliers d’élytres – j’ai oublié le nombre faramineux d’heures nécessaire à la réalisation d’un seul tableau) est confié à une équipe de 29 « collaborateurs » du maître (on pourra toujours dire ici qu’il ravive la tradition médiévale de l’atelier ; mon esprit mal tourné y voit plutôt une entreprise commerciale bien rôdée).

 

Au niveau du concept :

cerveau.png

L’objectif affiché de l’artiste est une dénonciation du colonialisme belge au Congo – de quoi susciter l’adhésion inconditionnelle des masses ; une approbation qui ne peut que justifier les œuvres (la critique serait ici malvenue, sinon suspecte).  

 

Au niveau des œuvres en elles-mêmes :

Pour faire spirituel (ou érudit) rien de mieux que de mettre dans chaque tableau un détail tiré du Jardin des délices de Boch ; outre en imposer au niveau culturel, cela fait un petit jeu de piste amusant - et permettra ensuite de pérorer doctement sur la profondeur de la démarche…

Pour le reste, une symbolique bien lourdingue, par exemple : une esclave qui ouvre la bouche devant une sorte d’énorme thermos plantée dans un coin du tableau - et sensé représenter le phallus d’un colonisateur ; ou encore des memento mori disséminés un peu partout (des fois que l’on aurait pas compris que la colonisation c’est le mal) ; cette autre ‘œuvre’ aussi, où il est noté en grand « Côte d’or » du nom de la firme exploiteuse de cacao que l’on sait. Que dire de « La bataille du rail» (car personne évidemment n’imagine un instant que ces tringles du progrès - porteuses de civilisation - aient pu se construire avec du sang d’esclave), ou ces « expositions coloniales d’Anvers » réunissant, oh grand dieu !, tout le gratin de la bourgeoisie d’alors ? 

Devant ce fatras, je ne puis laisser échapper qu’un gros soupir, laissant à chacun le soin se faire sa propre idée de la profondeur de la mise en scène… 

 

JF_Lapin.jpgPassons sur cette cervelle ailée, œuvre intitulée doctement « cerveau à ailes d’anges », ces scarabées moulés en doré (symbole de vie) transportant sur leur dos des crucifix ou des crosses d’évêques (le but ici est de mêler la tradition égyptienne au catholicisme - syncrétisme baveux, ou réminiscence new age, je ne sais - destiné à confondre d’admiration le pécore). On trouvera aussi une épée dont la lame porte inscrit en flamand quelque chose comme (je ne sais plus avec précision) «  Epée du désespoir ». Tout un symbole. J’en oublierai presque cette autre cervelle, d’où sort un petit arbre (l’œuvre est évidemment appelée « l’arbre de la connaissance »)…

 

Au final, seuls deux tableaux sortent pour moi de la médiocrité générale de cet accrochage. Est-ce un hasard s’ils s’agit des œuvres ou apparaissent des oiseaux ? J’opterai plutôt pour un attachement à une certaine forme d’esthétique dont, horreur, je n’arrive pas me défaire en matière d’art… 

Le premier de ces cadres est celui ayant servi - et pour cause - d’affiche à l’exposition. Quant au second, il montre en bonne place un pic, une huppe et un martin pêcheur… 

J’ajouterai enfin que les images de ces tableaux, trouvés ici ou là sur Internet, rendent d’un bien meilleur effet que lorsqu’on s’y trouve directement confronté. S’agirait-il d’un effet de l’écran, faisant office de masque au réel (à la manière d’un masque vénitien posé sur un visage vérolé) ? La raison m’en échappe.


Fabre---martin.jpg

Pourquoi un certain public aime Jan Fabre ?
Pour ceci, sans doute :

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